L’empreinte de l’innovation québécoise et de Mitacs : du local au global

Reportage publié le 14 août 2025 | Par Chloé-Anne Touma, rédactrice en chef de LES CONNECTEURS


Le Québec se positionne comme un pôle d’innovation dynamique et diversifié, fort de ses institutions de recherche, de ses entreprises et d’un soutien gouvernemental stratégique. Quelles sont ses forces en innovation dans le secteur technologique, et comment un organisme comme Mitacs contribue-t-il à les nourrir pour mieux imposer la province sur la scène internationale?

Rencontrés par notre rédaction, le PDG de Mitacs, Stephen Lucas, la ministre Christine Fréchette, et l’innovateur en chef, Luc Sirois, éclairent la richesse de cet écosystème, soulignant les ingrédients essentiels qui contribuent à cette réussite, sans perdre de vue les défis à transformer en opportunités.

Mitacs : moteur de l’innovation au sein d’un écosystème de talents

Stephen Lucas, PDG de Mitacs. (Photo : courtoisie)

L’innovation au Québec repose sur une combinaison unique de facteurs. On y trouve une grande diversité de compagnies, allant des grandes entreprises phares établies au Québec, aux multinationales qui gèrent des centres de recherche et développement, et d’innovation, en passant par les start-up et petites et moyennes entreprises. Cette cohabitation favorise un environnement propice à la collaboration et à la croissance, pense Stephen Lucas.

Mitacs, dont il est le PDG, met en relation ces entreprises avec des talents hautement qualifiés, pour les aider à relever des défis concrets et répondre aux besoins de l’industrie. Rien que pour les années 2018-2019 et 2024-2025, l’impact significatif de Mitacs dans l’écosystème de l’innovation se mesurait à 390 M$ d’investissements en R-D.

« Plusieurs secteurs d’activité démontrent une force particulière. Des domaines établis comme l’aérospatiale, la défense et la sécurité (incluant la cybersécurité), ainsi que les sciences de la vie et la bioproduction, continuent de prospérer, et représentent des domaines d’intérêt importants et soutenus », souligne le PDG de Mitacs.

Parallèlement, le Québec excelle pour ses « forces considérables et ses entreprises émergentes » qui se déploient dans de nombreux domaines, notamment l’intelligence artificielle (IA). Montréal, en particulier, est un « pôle émergent » pour le jeu vidéo et le quantique, autres secteurs technologiques en plein essor.

« Le secret du succès de Mitacs réside dans sa capacité à rassembler toutes […] les entreprises, les organismes à but non lucratif […] les partenaires postsecondaires, et à soutenir les étudiants. » – Stephen Lucas, PDG de Mitacs

L’un des piliers de l’écosystème québécois est son « solide ensemble d’institutions postsecondaires », comprenant des universités, des collèges, des instituts polytechniques et des cégeps. Ces établissements, combinés à des acteurs soutenus par le public tels que Mila – Institut québécois d’intelligence artificielle, sont essentiels à la vitalité des écosystèmes. La concentration d’entreprises dans des secteurs clés, associée à un secteur postsecondaire solide, constitue, selon Stephen Lucas, « tous les ingrédients critiques et les forces de l’écosystème d’innovation au Québec ».

Mitacs joue un rôle central dans la stimulation de l’innovation, en favorisant la collaboration entre les entreprises qui définissent un besoin et s’engagent à investir dans la recherche et l’innovation, et les chercheurs des institutions postsecondaires. L’organisme soutient activement les étudiants, de la licence au doctorat, en passant par la maîtrise et le post-doctorat. « Le secret du succès de Mitacs, explique Stephen Lucas, réside dans sa capacité à rassembler toutes ces forces clés de l’écosystème québécois : les entreprises, les organismes à but non lucratif […] les partenaires postsecondaires, et à soutenir les étudiants ».

Entre 2018-2019 et 2024-2025, l’OBNL canadien a soutenu plus de 13 000 stagiaires au Québec, issus d’établissements postsecondaires répartis dans toutes les régions de la province. L’accès à des talents hautement qualifiés permet aux entreprises québécoises d’innover plus rapidement, de s’adapter aux changements technologiques et de pallier les pénuries de main-d’œuvre dans les secteurs clés.


 Faits saillants

  • Entre 2018-2019 et 2024-2025, Mitacs a soutenu plus de 13 000 stagiaires au Québec, issus d’établissements postsecondaires répartis dans toutes les régions de la province ;
  • En 2024-2025 seulement, Mitacs a collaboré avec plus de 1 000 organisations partenaires au Québec ;
    L’impact de Mitacs au Québec, sur les années 2018-2019 et 2024-2025, représente 390 M$ d’investissements en R-D, plus de 3 400 entreprises participantes, et plus de 10 500 projets innovants réalisés (données cumulatives) ;
  • Sur une période de trois ans, Mitacs a engendré une augmentation de 11 % de productivité, 9 % de revenus et 16 % de ventes (Source : Statistique Canada).

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L’aspiration de Mitacs, partagée par le Québec et le Canada, est de bâtir une économie forte et résiliente, capable de concurrencer et de battre les meilleurs au monde. Pour atteindre cet objectif, « il est crucial d’attirer et de retenir les meilleurs talents du monde et de donner naissance aux meilleures idées », pense son PDG.

Notons que Mitacs s’engage, à cet égard, en soutenant des étudiants au Canada, y compris des étudiants internationaux, ces derniers représentant 25 à 30 % de leurs stagiaires, et qui, pour la plupart, « restent dans les provinces où ils ont étudié et avec les entreprises où ils ont fait leur stage pour travailler par la suite », indique le PDG de Mitacs. L’organisation soutient également les chercheurs et étudiants canadiens pour qu’ils collaborent avec des partenaires internationaux, et attire des milliers d’étudiants étrangers chaque année pour des stages au Canada, créant ainsi « un vivier de talents ».

Mitacs met un accent particulier sur l’inclusion, comme articulé dans son plan d’action pour l’innovation inclusive. Cela implique de soutenir les étudiants de « divers horizons, perspectives et orientations », en assurant un « environnement positif pour l’apprentissage et le développement ». Des programmes comme « Indigenous Pathways » visent spécifiquement à soutenir les Canadiens autochtones, reconnus comme « un incroyable bassin de talents ».

Défis et opportunités de croissance, notamment en IA et quantique

Malgré ces atouts, des défis subsistent, notamment l’accès au capital pour soutenir la recherche et la commercialisation. Des initiatives comme l’espace Ax.c, nouveau grand pôle d’innovation situé dans le quartier des affaires de Montréal, où l’équipe de Mitacs se dit ravie de se trouver, tout comme de nombreux acteurs de l’innovation au Québec, sont conçues pour relever ce défi, en favorisant la « convergence de l’innovation du secteur privé, de l’écosystème, des partenaires postsecondaires, des jeunes talents, des étudiants et des entrepreneurs », souligne Stephen Lucas. Cet environnement physique permet de créer une « masse critique et une énergie » propices à l’accélération de l’innovation.

Un avis que partage l’innovateur en chef du Québec, Luc Sirois, reçu au studio de LES CONNECTEURS en juin dernier, soulignant qu’un tel regroupement d’organisations en un seul endroit est rare, voire inégalé, à l’échelle mondiale, le comparant même à l’envergure de Station F à Paris. Mais plus que l’architecture ou le design, c’est la communauté et les personnes qui habitent le lieu qui font la véritable différence, comme ce fut le cas pour la Maison Notman.

Une opportunité majeure réside dans la convergence et le travail interdisciplinaire. L’IA en est un fort exemple, étant à la fois un secteur en soi et une technologie applicable « à pratiquement tout ce que les entreprises et la société touchent ». De même, le quantique est une « technologie de plateforme » offrant des avancées en informatique, communication et détection, avec des applications allant de la santé humaine à l’agriculture et à la foresterie.

Rappelons qu’après un lancement très prometteur pour son banc d’essai de communication quantique, Numana annonçait en mars dernier son partenariat avec les entreprises Nokia et Honeywell, dont les ambassadeurs vantaient les atouts au micro de LES CONNECTEURS. Autre invitée présente, la ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, Christine Fréchette, n’a pas manqué de souligner les retombées déjà observables et attendues de ce projet auquel a contribué Mitacs, et qu’elle a décrit comme « le développement d’une plateforme innovatrice, qui crée un précédent, et qui va permettre de tester des technologies quantiques dans des conditions très réalistes ». Mais elle y voit aujourd’hui ce défi : « faire connaître cette plateforme, et ce qu’elle offre comme nouvelles possibilités ». Elle a rappelé que « Le Québec a créé, à Sherbrooke il y a trois ans, une Zone d’innovation quantique. C’est l’un des secteurs qui font nos forces au Québec, et il faut continuer d’innover si l’on veut maintenir notre positionnement stratégique à l’échelle internationale. C’est exactement ce qu’on fait aujourd’hui, avec ce banc d’essai. »

Stephen Lucas souligne également l’impératif d’améliorer le taux d’adoption des technologies existantes. Alors que le Canada accuse un retard significatif par rapport à des concurrents comme les États-Unis, la France ou le Royaume-Uni dans l’adoption du numérique et de l’IA par les entreprises, en particulier les PME, il existe une « nécessité économique » d’améliorer cette adoption pour renforcer la compétitivité. Mitacs contribue à cet effort en aidant les entreprises à « adopter et à comprendre comment utiliser la technologie ».

Pour Luc Sirois, le défi majeur pour le Québec réside dans le transfert de la recherche académique vers l’industrie et la société. Bien que la recherche universitaire au Québec soit de très haute qualité et attire des experts mondiaux, sa commercialisation est un point faible. La création d’Axelys, société de valorisation et de transfert, témoigne de cette volonté d’amélioration, avec l’objectif de multiplier significativement les résultats pour s’apparenter aux grandes universités américaines. « Les autres nations nous dépassent pas mal en termes de création de nouveaux produits et services, et d’intégration des technologies. Il faut transformer nos produits, être des fournisseurs de technologie partout. » La question de la protection de la propriété intellectuelle, particulièrement en IA, est également soulevée par l’innovateur en chef. Bien que le Québec et le Canada n’aient pas une tradition de brevets en IA, il est crucial de protéger les éléments d’opérationnalisation et de déploiement des systèmes d’IA pour que la création de richesse alimente le cycle de financement de la recherche et de l’éducation.

Un bilan de succès et une vision d’avenir

Le partenariat entre Mitacs et le gouvernement du Québec a produit des résultats tangibles, soutenant des milliers de stagiaires dont la majorité restent dans la province et trouvent des emplois bien rémunérés. Les entreprises ayant collaboré avec Mitacs ont démontré une performance positive en matière de productivité, plus de revenus et de ventes.

Ces succès servent de « plateforme pour aborder les domaines émergents, renforcer davantage l’économie et aider les entreprises à démarrer, à croître et à réussir », rappelle Stephen Lucas. Il conclut sur une note optimiste, affirmant qu’il y a un « avenir prometteur » pour l’écosystème d’innovation du Québec si le partenariat avec le gouvernement, les entreprises, les institutions postsecondaires et, par-dessus tout, les étudiants, peut être soutenu. Le Québec est manifestement sur la bonne voie pour consolider sa position en tant que leader mondial de l’innovation.