L’IA au service des villes : un partenariat stratégique entre le CIQ et l’UMQ, annoncé à ALL IN

Michel Angers, Anne Nguyen, Luc Sirois. (Photo : Chloé-Anne Touma)

Par Chloé-Anne Touma, rédactrice en chef | Publié le 25 septembre 2025


Le Conseil de l’innovation du Québec (CIQ) a fait l’annonce d’un partenariat majeur avec l’Union des municipalités du Québec (UMQ), consacré à intégrer des outils d’IA pour mieux soutenir la stratégie et la santé économiques des 1040 municipalités de la province. Par quoi se traduira ce partenariat, annoncé dans le cadre d’ALL IN 2025?

Dans un premier temps, le projet doit s’articuler autour du principe du renforcement de la littératie, puis dans un deuxième, autour de l’orientation de la prise de décision, pour aider les villes à naviguer dans le riche bassin de fournisseurs qui répondent à leurs appels d’offre.

« C’est pour cela qu’on s’associe, pour rendre nos villes plus résilientes, efficaces et modernes. »

« L’UMQ a déjà une commission de l’innovation et de la transformation numérique, entame, en entrevue, l’innovateur en chef du Québec, Luc Sirois. C’est donc qu’il existe déjà une instance qui réunit des élus pour se poser ces questions et mettre en place des actions structurantes. C’est avant-gardiste! »

Pour le président de la Commission et maire de Shawinigan, Michel Angers, tout passe par l’intention collective, à clarifier pour mieux répondre aux besoins citoyens : « c’est pour cela qu’on s’associe, pour rendre nos villes plus résilientes, efficaces et modernes. »

Par quels moyens?

Formations, ateliers de travail, notamment pour définir et mettre en place des communautés de pratique, déterminer qui s’occupe de l’encadrement, qui développe et ajoute de nouvelles fonctionnalités, qui gère l’accès aux données, autant d’activités au menu pour se poser les bonnes questions et y répondre, au chapitre de la gouvernance.

« (La littératie est) aussi (importante) pour mieux gérer les appels d’offres et savoir à qui appartient l’IA. Aux TI? Aux citoyens? Aux élus? »

Le projet implique « la création d’une formation progressive pour permettre aux élus et fonctionnaires de renforcer leur littératie en intelligence artificielle, car la capacité de faire des choix judicieux, pour les citoyens et travailleurs, en dépend », précise Anne Nguyen, directrice responsable de l’IA au CIQ. Elle pense aussi que « d’augmenter en littératie peut faire réduire les craintes des professionnels à l’égard de la perte d’emploi associée à l’intégration de l’IA. C’est aussi important pour mieux gérer les appels d’offres et savoir à qui appartient l’IA. Aux TI? Aux citoyens? Aux élus? »

« Dans le grand portrait québécois dressé par le CIQ, on parle de 725 start-up, de 800 entreprises de produits et services en IA, d’où l’importance de faire une curation avec des partenaires qui sont experts en la matière, et optimiser les choix des fournisseurs par les municipalités », ajoute Anne Nguyen. Un travail qui pourra être mené avec l’OBNL IVÉO, par exemple, experte dans la traduction des besoins des municipalités. « On voit des villes qui perdent énormément de temps à implanter l’outil Copilot, alors que ce dernier ne sera pas efficace en matière de suivi des nids de poule et des infrastructures. Certes, il y a un dicton qui veut qu’il y ait une IA pour chaque chose (‘There’s an AI for that’), mais il reste difficile pour les municipalités de naviguer à travers le champ des possibles. »

A-t-on assez de données sur lesquelles bâtir, quand on sait que la collecte d’informations précieuses sur le territoire a toujours été un enjeu pour la gestion municipale et territoriale? « Les données sont effectivement le nerf de la guerre dans tous les secteurs, mais la narrative change un peu aujourd’hui, grâce aux avancées de l’IA moderne et ses technologies, car on n’a plus besoin d’énormes quantités de données ; un échantillon de qualité suffit pour commencer à poser un jalon à petite échelle. Au lieu de s’attaquer au mammouth, on peut compartimentaliser, commencer, par exemple, par la mise à jour de politiques internes aux six mois. Rappelons également que la donnée n’est pas que mathématique, elle est aussi qualitative. »

« Il ne faut pas faire de l’IA juste pour faire de l’IA (…) C’est l’IA au service de la mission d’une ville. »

Elle rappelle qu’« Il faut se demander si l’intégration d’une solution d’IA amène plus de problématiques qu’elle n’en règle. Cela peut arriver lorsque le niveau de littératie n’est pas suffisant. Il ne faut pas faire de l’IA juste pour faire de l’IA. Dans le projet que nous lançons avec l’UMQ, il ne s’agit pas de créer des indicateurs de performance différents pour l’IA, mais de reprendre les indicateurs déjà suivis sur le bien-être des citoyens, l’état des infrastructures. C’est l’IA au service de la mission d’une ville. » Elle donne l’exemple d’une IA qui pourrait assurer un service de prise d’appels en dehors des heures régulières, afin de faciliter le traitement des requêtes des citoyens qui travaillent et peinent à joindre les services municipaux pendant la journée, un service dont on pourrait mesurer l’impact en évaluant la satisfaction des usagers. « Aujourd’hui, l’enjeu réside non pas dans la technologie en elle-même, mais dans les questions de leadership dédié à réduire les risques. Dans le monde municipal, il ne s’agit plus d’une course à l’implantation de l’IA, mais bien à l’augmentation du bien-être des citoyens. »

« Il vaut mieux homologuer, apprendre des erreurs et succès de l’autre, pour avancer collectivement! »

Toujours à ALL IN, Luc Sirois et Anne Nguyen animaient pour l’occasion une table ronde, qui a permis de rappeler les avantages de plus en plus évidents d’intégrer l’IA aux processus décisionnels en matière de gestion du territoire, mobilisant pas moins de 25 élus et fonctionnaires désireux de favoriser la transition numérique. Un projet à l’image de ceux qui s’inscrivent dans une vision d’accessibilité, comme celui de la « Brigade IA », puisque de plus en plus, on parle d’intégrer les processus d’IA non pas seulement à l’échelle des gros joueurs tech, mais davantage au sein des petites organisations et au profit des communautés, d’indiquer Luc Sirois en entrevue.

« Trop d’organisations, particulièrement les petites et moyennes, se sentent encore éloignées de l’intelligence artificielle. Avec la Brigade IA, nous voulons créer un pont : offrir un accès direct à des praticiens qui comprennent leurs défis concrets, et les aider à passer de la curiosité à l’action. C’est une façon très humaine de rendre l’IA plus proche, plus utile, et surtout plus alignée sur nos valeurs collectives », a commenté la directrice responsable de l’IA.

Pour l’innovateur en chef, « Le partage d’expériences et de cas d’usage entre municipalités permettra d’éviter les dédoublements d’efforts, comme d’avoir à produire chacune une évaluation de conformité des solutions québécoises. Il vaut mieux homologuer, apprendre des erreurs et succès de l’autre, pour avancer collectivement! » Voilà le mot d’ordre.


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