Enfants accros aux jeux vidéo : ils enchaînent les dépenses à l’insu de leurs parents
L’industrie du gaming voit sa communauté croître de manière exponentielle, faisant de plus en plus d’adeptes chez les tout-petits, sinon chez les adultes de moins en moins jeunes. Consciemment ou non, ces « gamers » organisent et articulent leur identité et leur style de vie autour de cette passion, développant une dépendance accrue à leurs jeux préférés, allant de jeux aussi populaires que « Roblox » auprès des enfants, à ceux de notoriété plus globale au sein de la communauté, comme Grand Theft Auto (GTA), Minecraft, League of Legends et Fortnite. Mais quels sont les risques et effets de cette addiction pour les différentes générations de gamers?
Les jeunes joueurs et les « microtransactions »
Une étude de 2022 de Maude Bonenfant, Simon Delorme, Alexandra Dumont et Cédric Duchaineau, mentionnée dans leur livre « Les jeux vidéo pour enfant : bien les comprendre pour mieux les choisir », menée sur 249 jeux mobiles gratuits pour enfants de 12 ans et moins, a révélé la propension de ces derniers à s’accoutumer au système commercial des « microtransactions », ce modèle qui dépend de récompenses en échange de transactions en ligne aux petits montants.
« Les résultats montrent que 92 % des jeux du corpus offrent des microtransactions aux enfants. La plupart proposent des biens non durables (55 %) et des biens durables (45 %), mais aussi des offres à durée limitée (39 %). Si certains jeux proposent un contrôle parental pour l’accès aux microtransactions ou aux autres liens qui mènent à l’extérieur du jeu, les parents n’ont aucune possibilité d’invisibiliser ces boutiques et les enfants sont ainsi exposés à ces tentations. »
40,8 % des parents américains rapportent que leur enfant a effectué des achats intégrés à leur insu
Déplorant un vide dans la recherche portant sur les dépenses en jeu des enfants, les chercheurs-auteurs évoquent également le sondage réalisé en 2020 par la plateforme sellcell.com auprès de 2 000 parents d’enfants de 6 à 15 ans, aux États-Unis, auquel 40,8 % des répondants admettaient que leur enfant avait effectué des achats intégrés à leur insu, 31,1% approuvaient les achats en jeu réalisés par leurs enfants et 23 % ne voyaient pas d’inconvénient à ce que leur enfant dépense plus de 50 dollars américains par mois en micro-transactions. Si 72 % des garçons adhéraient à ce système, 56 % des filles du même échantillon en faisaient tout autant au moment de l’étude.
Conscient de la dépendance aux écrans qui touche de plus en plus d’enfants, Ralph Nakhle a fondé Tokidos en 2020. Son entreprise, qui a développé une console de jeux familiale sans écran, propulsée par l’intelligence artificielle, pour les enfants de 3 à 8 ans et leurs familles, connaît un essor marqué ces derniers temps. La console est constituée de cinq cubes intelligents et interdépendants, qui s’illuminent et émettent des sons. Pour jouer, on choisit une carte, et on la rentre dans le cube principal. « En ce moment, c’est notre seul produit, qui offre déjà des jeux de base, mais on peut en acheter d’autres. On est en train de développer des histoires et des jeux interactifs, éducatifs, sociaux, etc. Chaque carte est dédiée à un jeu, mais il sera aussi possible de programmer le jeu qu’on veut sur une carte vierge », avait relaté M. Nakhle en entrevue avec notre rédaction, lors de la phase de test du produit.
Les cubes sont munis d’un bouton sur lequel l’enfant appuie pour interagir avec la solution. Dans le contexte d’un jeu-questionnaire, par exemple, le joueur devra appuyer sur le cube le plus approprié pour donner la bonne réponse. « L’idée est de permettre à l’enfant de rester en contrôle de la solution, afin qu’il soit autonome et n’ait pas besoin d’être assisté par ses parents ou un ordinateur pour y jouer. »
Des gamers plus expérimentés et accros
Les plus de 45 ans sont plus nombreux à jouer aux jeux vidéo que les jeunes de la Génération Z. C’est du moins ce qu’indique une étude de Circana, rapportant que 70 % des Américains ont déjà joué à des jeux vidéo, et que 37 % des joueurs sont des adultes de 45 ans.
Des effets bénéfiques sur le cerveau
Mais quelles sont les conséquences d’une addiction qui s’étend sur plusieurs générations, et fait des gamers chez les très jeunes, mais aussi les adultes de plus en plus âgés? Quels en sont les effets, par exemple, sur le cerveau? Des travaux de recherches présentés par l’Université Western au Canada, impliquant plus de 2 000 participants à travers le monde, viennent éclaircir le tableau. Ils ont permis de démontrer que ceux qui jouaient au moins cinq heures par semaine d’un même type de jeu vidéo affichaient des capacités cognitives équivalentes à celles d’individus âgés d’environ 14 ans de moins. À défaut de pouvoir se prononcer sur leur niveau de maturité, l’interprétation des résultats suggère que les joueurs concernés ont affiné leurs facultés mentales.
Des effets bénéfiques sur le développement socioaffectif
Pour ce qui est des enfants, selon Maude Bonenfant, Simon Delorme, Alexandra Dumont et Cédric Duchaineau, en plus de bienfaits cognitifs tels que l’amélioration de l’attention visuelle et de l’orientation spatiale, « les jeux vidéo peuvent contribuer à plusieurs aspects du développement socioaffectif des enfants. Les jeux sont d’abord un espace d’exploration et d’apprentissage de l’échec pour des êtres en pleine acquisition de la maturité émotionnelle. [Ils] peuvent aussi soutenir le développement de l’estime de soi, de l’autorégulation, de la coopération et des attitudes prosociales chez les enfants ».
Une mise en garde relative au temps d’écran
N’empêche, selon l’Agence de la santé publique du Canada, il faut limiter le temps d’écran quotidien ou régulier à moins d’une heure par jour pour les enfants de moins de 5 ans. La revue Naître et grandir ajoute que « Comme l’exposition aux écrans avant de se coucher peut nuire au sommeil, il est recommandé d’éteindre les écrans au moins une heure avant d’aller au lit ». Les Directives canadiennes en matière de mouvement sur 24 heures recommandent un temps d’écran maximal de deux heures par jour pour les enfants de plus de 5 ans. Les experts rappellent que la lumière bleue des écrans a des effets néfastes sur la rétine, et peut entraîner une myopie. La surexposition aux écrans serait également associée à un retard de langage chez les très jeunes enfants.
Par Chloé-Anne Touma, rédactrice en chef de LES CONNECTEURS | Publié le 29 janvier 2025