Comment les applications de navigation trouvent-elles le meilleur trajet pour vous?
Reportage d’Axel Dansereau Macias (reportage vidéo) et Chloé-Anne Touma (article) | Publié sur le site le 18 mai 2025, et initialement dans la revue interactive du 13 mai 2025
Nous utilisons quotidiennement des applications comme Google Maps, Chrono ou Transit pour trouver notre chemin, quel que soit notre moyen de transport. Mais comment ces outils parviennent-ils à déterminer le trajet le plus rapide ou le plus efficace d’un point A à un point B?
Au cœur de ce processus se trouve un algorithme fondamental inventé par Dijkstra. Cet algorithme opère sur une structure abstraite appelée « graphe ». Un graphe est composé de points, appelés nœuds (représentant des lieux, intersections, stations), reliés par des chemins, appelés arêtes (représentant des routes, des voies de bus, des pistes cyclables). Chaque arête a une valeur numérique associée, qui peut être le temps estimé pour parcourir ce chemin, la distance, ou d’autres critères. Le travail de l’algorithme est de trouver la séquence de chemins entre deux nœuds qui minimise cette valeur numérique.
Pour construire ces graphes, les applications ont besoin d’une quantité immense de données : adresses, points d’intérêt, intersections, stations de transport en commun. Chaque mode de transport a son propre graphe, alimenté par des données spécifiques (autoroutes pour les voitures, pistes cyclables pour les vélos). Ces données proviennent de sources variées : privées (comme TomTom), gouvernementales ouvertes, et même des signalements d’usagers concernant, par exemple, des routes bloquées. Gérer cette complexité dans une ville comme Montréal, avec ses milliers de rues et ses nombreuses lignes de transport, nécessite des techniques pour traiter de gros volumes de données. Les calculs sont effectués sur de puissants serveurs, l’application mobile ne recevant que le résultat optimisé. Les graphes les plus vastes sont désormais souvent gérés par des réseaux de neurones.
L’exemple de l’application Chrono, utilisée par l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM), est parlant. Chrono utilise le même calculateur d’itinéraire que Google Maps, qui lui fournit les informations de base. L’application intègre également des données publiques de ses partenaires (STM, RTL, etc.). Elle utilise des données en temps réel (publiques mais à diffusion restreinte) fournies par les opérateurs. Cela inclut la position réelle des véhicules, les temps d’arrivée estimés et les perturbations opérationnelles (retards, accidents, arrêts déplacés).
En résumé, ces applications s’appuient sur l’algorithme de Dijkstra, des structures de données complexes (les graphes) alimentées par d’énormes quantités d’informations statiques et dynamiques pour nous offrir la meilleure guidance possible.
Comment ces applications collectent-elles les données ?
Depuis leur lancement en 2005 pour Google Maps et 2012 pour Apple Plans, ces deux applications se livrent une guerre de précision cartographique qui ne cesse d’évoluer. Devenues quasi identiques en apparence, elles partagent aujourd’hui une série de méthodes sophistiquées pour garder leurs cartes à jour. Mais derrière les images lisses de nos écrans se cache une armée de caméras, d’algorithmes et de données… et quelques tensions politiques.
En 2007, Google introduisait Street View, un outil novateur offrant une vision immersive à 360° du monde. Aujourd’hui, même si plus de 220 pays et territoires sont couverts sur Google Maps, tous ne bénéficient pas de cette fonctionnalité panoramique. Certains endroits demeurent partiellement ou totalement hors champ. La Corée du Nord, l’Iran, la Syrie, Cuba, ou encore la Chine continentale, sont absents de Street View, en raison de restrictions politiques, économiques ou de censure de l’information.
D’autres cas, comme l’Allemagne, illustrent un rejet plus citoyen que géopolitique. Lorsque Street View y est arrivé, des protestations publiques ont mené à des actes de vandalisme contre les véhicules de Google. Résultat : plus aucune mise à jour jusqu’en 2023, et des zones toujours largement floutées, en dehors des grandes villes.
Alors, comment ces géants du numérique continuent-ils à tenir leurs cartes à jour, et avec quelles différences?
La base, commune à Google Maps et Apple Plans, reste l’imagerie satellite et aérienne. Ces clichés haute résolution, mis à jour régulièrement, permettent d’avoir une vue macro des nouveaux quartiers, routes ou zones naturelles. Pour les détails à hauteur de trottoir, des véhicules, tricycles ou piétons équipés de caméras arpentent physiquement les routes — une méthode encore bien d’actualité.
À cela s’ajoute le crowdsourcing, ou contribution des utilisateurs. Quand nous activons la géolocalisation sur nos téléphones, nos déplacements deviennent une source d’information précieuse. Les applis croisent ces données pour détecter les itinéraires les plus fréquents, les bouchons ou encore les accidents. Google va plus loin avec son programme « Local Guides », qui récompense les usagers actifs pour leurs signalements sur le terrain.
Les deux entreprises intègrent également des données issues d’organismes publics, de plans d’urbanisme ou de partenaires locaux. Une collaboration qui permet d’ajuster les cartes aux réalités officielles du terrain.
Mais la grande nouveauté, c’est l’intelligence artificielle. Google, en particulier, mise sur des algorithmes de reconnaissance pour repérer automatiquement les noms d’entreprises, les panneaux de signalisation, ou les changements dans le paysage. Alimentée par plus de 220 milliards d’images Street View, l’IA peut détecter une nouvelle route ou corriger une erreur de nom… parfois plus vite que les autorités locales.
Apple Plans, de son côté, se distingue par des cartes 3D plus précises dans les centres urbains grâce à la technologie LiDAR, qui utilise des lasers pour modéliser l’environnement en trois dimensions. S’ajoute à cela une politique de confidentialité plus stricte : Apple promet une anonymisation renforcée des données collectées après un déplacement.
Alors oui, les méthodes d’hier sont encore là. Mais elles sont aujourd’hui augmentées par des outils de pointe, pour que nos itinéraires restent aussi précis que notre besoin de tout localiser.
Faire preuve de vigilance : un affichage arbitraire
Mais alors que l’omniprésence de ces outils suffit déjà à soulever des questions, leur fiabilité même vacille. Quand Google rebaptise le golfe du Mexique en « golfe d’Amérique » sous les pressions de Donald Trump — une fantaisie géographique destinée, semble-t-il, à flatter une certaine vision du monde — on comprend que les cartes aussi peuvent mentir. Pour certains utilisateurs, Google Maps, à défaut d’être le reflet du territoire, devient alors un miroir déformant.
Consultez la chronique radio de notre rédactrice en chef Chloé-Anne Touma à l’émission Moteur de recherche pour en savoir plus sur la manière dont Google Maps et Apple Plans collectent des données