Économie
Promesse du quantique : la révolution sur laquelle mise le Québec

Promesse du quantique : la révolution sur laquelle mise le Québec

Alors que les nombreux projets émergent et que les entreprises étrangères viennent poser bagages, le Québec est plus déterminé que jamais à poser ses marques comme leader mondial en informatique quantique. Mais comment la province parvient-elle à se placer comme pôle d’innovation dans ce domaine encore méconnu, et quelle en est la promesse?

Comprendre l’informatique quantique

L’informatique quantique est une notion encore floue pour le public, tel qu’en atteste le voxpop réalisé par notre rédaction.

Souvent associé à la mécanique ou à la physique, ce secteur, qui résonne avec difficulté dans les oreilles de la population comme sphère informatique aux ambitions révolutionnaires, représente pourtant un facteur clé en vue d’une économie du futur.

Les ordinateurs quantiques

Le superordinateur quantique que le Québec exploite à Bromont est le quatrième de ce type opérationnel dans le monde. Gage d’avancées majeures pour le milieu de la recherche et du développement dans tous les secteurs, sa puissance de calcul et ses propriétés font rêver. Que faut-il en comprendre et qu’est-ce qui le distingue d’un ordinateur classique?

L’apparence d’un ordinateur quantique est souvent comparée à celle d’un curieux lustre sorti tout droit d’un film de science-fiction. Il est composé d’une structure enveloppante en or pur, qui abrite son processeur, une puce, sans mémoire, sans disque, qui requiert un environnement HPC (calcul haute performance) pour se connecter aux machines.

Dans l’informatique traditionnelle, qui repose sur un système binaire, on parlera de bits, qui correspondent à la plus petite unité d’information manipulable par une machine numérique. La lecture d’un bit donne 1 ou 0. On dit donc qu’elle est « déterministe ». En quantique, le premier élément de base d’un ordinateur est le qubit, capable d’être simultanément dans les valeurs 0 et 1, et dans toutes les valeurs intermédiaires du spectre entre les deux. On passe donc du déterminisme au « probabilisme ».

À titre d’exemple, le modèle System Quantum One, exploité au Québec, peut supporter jusqu’à 127 qubits. Le dernier modèle de puce développé par IBM, IBM Osprey, en soutient quant à lui plus de 400.

MonarQ, l’une des dernières actualités quantiques, vient signer une nouvelle ambition quantique québécoise avec l’annonce du premier superordinateur conçu au Québec. Lancé par l’équipe de Calcul Québec, cet autre ordinateur, dont le nom fait référence au papillon « monarque » comme symbole de transformation, selon la directrice générale de Calcul Québec, Suzanne Talon, constitue un pas de plus pour offrir à la communauté de la recherche et de l’innovation « une occasion unique de développer et tester de nouveaux algorithmes quantiques et hybrides ». Dévoilé à l’École de technologie supérieure (ÉTS) à Montréal, et accessible depuis janvier 2025, il renforce encore ce lien entre le monde quantique et le monde universitaire.

Les ordinateurs quantiques MonarQ et Quantum One, au Québec. (Photo : LES CONNECTEURS)

« L’arrivée de MonarQ permettra à la communauté universitaire, scientifique et aux entreprises d’avoir accès aux technologies quantiques nécessaires pour des recherches dans des domaines aussi variés que l’énergie, le transport, la pharmaceutique ou les matériaux. En soutenant l’innovation de cette manière, nous nous assurons de bien positionner les PME et les organisations du Québec, et de renforcer notre leadership mondial dans ce domaine »,  amène Soraya Martinez Ferrada, ministre responsable de l’Agence de développement économique du Canada pour les régions du Québec.

« L’informatique quantique est un domaine émergent de l’informatique de pointe, qui exploite les qualités uniques de la mécanique quantum pour résoudre des problèmes qui dépassent les capacités des ordinateurs classiques les plus puissants », commente IBM (International Business Machine Corporation).

Le Québec à l’avant-garde

Si le Québec se positionne comme un pôle d’innovation mondial, c’est notamment pour sa Zone d’innovation quantique appelée « Distriq », située au cœur de la ville de Sherbrooke. Décrite comme une organisation qui catalyse l’expertise et les infrastructures, elle connecte et intègre les initiatives collaboratives en augmentant la synergie entre les différents acteurs de l’écosystème quantique d’ici.

Mis à disposition des start-up, entreprises et organismes impliqués, l’EQ1 offre également le DevteQ, un laboratoire d’une surface de 20 000 pieds carrés, qui promet d’offrir un avantage compétitif sur le marché.

En entrevue avec LES CONNECTEURS, le premier ministre François Legault a martelé y voir les assises et la reconnaissance du savoir-faire du Québec, mais aussi de ses régions à l’échelle internationale. « On vient d’ailleurs d’en voir de beaux exemples en quelques mois, avec l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), qui aide à créer la filière batterie pour les véhicules électriques dans toute la Mauricie et dans le Centre-du-Québec, et là, aujourd’hui, avec l’Université de Sherbrooke (en Estrie), grâce à laquelle on crée de l’emploi dans un domaine d’avenir, celui de toutes les sciences quantiques, ce qui est quand même extraordinaire ! », a soutenu M. Legault.

La priorité dans la mise en place de ces infrastructures est bel et bien de permettre aux entreprises de démarrer ou de prendre de l’accélération, comme le suggère le directeur général de Distriq, Martin Enault.

Cet avantage compétitif s’associe également à la volonté d’attirer des joueurs internationaux afin que des entreprises étrangères viennent s’implanter dans la Zone d’innovation.

« Avec cet investissement majeur dans la Zone d’innovation Distriq, on contribue à la création et à l’implantation de nouvelles entreprises dans un secteur stratégique d’avenir. Les retombées de ce projet assureront que les talents et l’expertise sont au rendez-vous », soutenait Pierre Fitzgibbon, ancien ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, rencontré par notre rédaction à l’inauguration de la zone. « C’est grâce à des initiatives comme celle-ci qu’on va hisser le Québec comme leader à l’échelle mondiale dans les sciences quantiques », avait-il ajouté.

Ces investissements proviennent en partie du gouvernement québécois ayant octroyé un budget à hauteur de 65,3 M$ lors de l’inauguration de l’Espace Quantique (EQ1) en 2023. Les fonds investis ont ainsi pu permettre à cinq grands projets de voir le jour, permettant d’enrichir l’écosystème quantique et de créer de l’emploi.

Des financements qui ont surtout pour vocation d’intégrer différentes start-up étrangères, notamment l’entreprise française PASQAL, qui a bénéficié d’un prêt de 15 M$ pour s’implanter dans la zone d’innovation, afin de fabriquer des ordinateurs quantiques destinés au marché nord-américain.

Cette attractivité pour les entreprises étrangères a d’ailleurs récemment incité la start-up française Quandela à s’ajouter dans les rangs, en annonçant l’ouverture d’une filiale canadienne à Montréal, en septembre dernier.

​​Former une main-d’oeuvre en quantique dans le milieu académique

L’Institut quantique de Sherbrooke vient compléter la Zone Distriq, avec l’ouverture du premier programme d’informatique quantique au monde.

Cet institut de recherche de l’Université de Sherbrooke se concentre ainsi sur la science et les technologies quantiques, en réunissant des scientifiques spécialistes en matériaux quantiques, en information quantique et en ingénierie quantique dans le but d’effectuer des travaux de recherche fondamentale et de développer les technologies quantiques du futur. Tout cela en familiarisant les étudiants à ses fonctions et ses aspirations pour l’avenir. Une autre occasion de créer un pont entre le monde académique et la recherche, dans un domaine encore complexe à démystifier pour l’opinion publique.

« Le financement de la recherche est la base pour le développement des technologiques quantiques, et Distriq s’assure de créer des ponts entre cette recherche et les entreprises utilisatrices de solutions quantiques. Ainsi, le développement est encadré de façon éthique pour des innovations socialement responsables », affirme Richard St-Pierre, directeur général de Distriq, faisant référence au programme de financement STIMuleS du Fonds de Recherche du Québec.

Pour en savoir plus sur le milieu de la recherche quantique au Québec, visionnez cet épisode de notre émission C+Clair, enregistrée en présence d’invités issus de la Zone d’innovation :

Par Sacha Israël, journaliste, et Chloé-Anne Touma, rédactrice en chef à LES CONNECTEURS | Publié le 25 janvier 2025