L’inclusion des femmes : pas qu’une mode, une nécessité
Par Chloé-Anne Touma, rédactrice en chef de LES CONNECTEURS | Reportage publié le 24 avril 2025
Si l’inclusion des femmes, des personnes queer et de la diversité est perçue comme une force par certaines entreprises en tech, d’autres accusent encore un retard en la matière. La rédaction de LES CONNECTEURS s’entretient avec les fondateurs d’organismes qui se consacrent à faire bouger les choses, et à en inspirer d’autres à suivre leur exemple.
« Seulement 23 à 25 % des travailleurs de la tech sont des femmes. Ce chiffre, à un moment donné, il faut qu’il commence à évoluer pour de vrai », martèle Elsa Tannous, une entrepreneure engagée pour la cause des femmes en tech, rencontrée par LES CONNECTEURS.
« Seulement 23 à 25 % des travailleurs de la tech sont des femmes. Ce chiffre, à un moment donné, il faut qu’il commence à évoluer pour de vrai. »
En 2024, elle a fondé DigiWomen, un organisme à but non lucratif basé à Laval, qui œuvre pour l’inclusion des filles et des femmes en technologies, dont elle a d’abord pris conscience de le la minorité inquiétante à l’époque de sa carrière en ressources humaines dans le secteur des services numériques, il y a environ une décennie, alors qu’elle vivait encore en France.
Consultez ce reportage tel que paru initialement dans la revue interactive et animée LES CONNECTEURS, ou poursuivez votre lecture plus bas
« L’OBNL propose cinq programmes au sein de l’écosystème, qui permettent d’accompagner les filles dès l’âge de huit ans, jusqu’à la femme professionnelle et la maman aussi, dans le secteur des technologies », décrit sa fondatrice, qui peut compter sur un conseil d’administration très impliqué. Parmi les programmes notoires de l’organisme, on compte les ateliers de causerie « Women Tech Talk », pour la clientèle de 18 ans et plus, où des expertes partagent leurs parcours, défis et succès au cours de panels, discussions interactives et sessions de réseautage. Les thèmes qui y sont abordés incluent l’intelligence artificielle, la cybersécurité et l’égalité des genres. « On en fait un par mois avec une vingtaine ou trentaine de participantes. Le but de ces ateliers est de créer un espace d’inspiration, de bienveillance, d’entraide, de maillage et d’opportunités d’emploi et de mentorat. Derrière, on finit par construire une communauté tech au féminin! »
Autre exemple, l’offre d’ateliers « J’Ose la Tech », déjà déployée dans des écoles de Laval, se veut inspirer les jeunes filles à explorer les technologies dès leur plus jeune âge et susciter chez elles un intérêt durable pour les STEM (Science, Technologie, Ingénierie et Mathématiques), tout en sensibilisant les garçons afin qu’ils « apprennent à encourager leurs camarades féminines » dans cette quête, « parce que les garçons et les hommes sont nos alliés, ce sont aussi nos ambassadeurs. On n’y arrivera pas sans eux, et ce n’est pas non plus l’objectif », soutient Elsa Tannous, en entrevue avec LES CONNECTEURS.
« Avec J’Ose la Tech, on voulait vraiment un atelier qui soit en immersion en école, pour qu’à long terme, ça s’intègre tel un cours de mathématiques ou de français, comme une matière obligatoire », explique la fondatrice de DigiWomen.
Dans son documentaire inédit « Femmes en tech, et alors », présenté en avant-première le 28 mars dernier, Elsa Tannous suit neuf professionnelles qui s’illustrent dans le domaine, dans l’optique de « donner la parole aux femmes qui sont trop souvent invisibilisées », notamment celles issues de minorités visibles, tout en faisant rayonner les profils de modèles inspirants. Parmi elles, on compte la directrice de l’intelligence artificielle au Conseil de l’innovation du Québec, Anne Nguyen, qui s’est également confiée à notre rédaction quant à l’importance de ce genre d’initiative : « Je suis issue d’une famille d’immigrants, et membre de l’organisme Les Scientifines, qui existe depuis 35 ans, et qui aborde la science comme un booster de confiance et d’épanouissement au bénéfice des jeunes filles, afin qu’elles croient en leurs compétences scientifiques et qu’elles les développent, parce qu’il est vrai que nous ne sommes pas assez nombreuses dans le domaine. Les jeunes filles ont besoin de voir des femmes issues de la diversité rayonner, pour pouvoir s’identifier à elles et se sentir représentées. Les femmes n’ont pas que des ‘soft skills’ (compétences douces) ; elles ont aussi des compétences techniques importantes à valoriser. Il faut qu’elles soient impliquées dans les discussions autour de la table, et ce, dès le début du développement technologique. »
Grande entrevue | L’innovation selon Anne Nguyen : vulgariser, fédérer, transformer
Dans le documentaire, « on a neuf femmes d’âges complètement différents, de 25 à 60 ans à peu près, qui vivent les mêmes choses à des époques différentes », ce qui illustre pour Elsa Tannous la lenteur du progrès.« Alors, qu’est-ce qu’on fait? Qui prend ses responsabilités? Quelles actions prend-on concrètement, quand les chiffres sont là mais n’évoluent pas? Que fait-on, concrètement, et comment donne-t-on envie aux plus jeunes? Comment apprend-on aux garçons à devenir des alliés? Comment apprend-on à nos entreprises à avoir une politique d’inclusion réelle de la diversité, et non pas que pour satisfaire un quota? Comment fait-on entrer dans la tête des gens qu’avoir des femmes dans les secteurs technologiques n’est pas juste une mode mais une nécessité? Nous sommes importantes dans ces secteurs, on représente la moitié de la population, et il ne fait aucun sens qu’on ne soit pas dans le secteur qui change le monde aujourd’hui », conclut la fondatrice de DigiWomen.