L’errance diagnostique : vivre avec une maladie rare non diagnostiquée
Par Caroline Joseph, chroniqueuse pour LES CONNECTEURS | Publié le 17 avril 2025
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Combien de personnes souffrent de symptômes ou conditions médicales sans en connaître la raison? Malgré les investigations médicales, il peut s’avérer difficile de poser un diagnostic. Au Canada, on estime à environ 3 millions le nombre de personnes qui sont affectées par une maladie rare, et de ce nombre, près d’un million sont en situation d’errance diagnostique.
Pour certaines personnes, ce n’est pas si simple, elles doivent tout faire pour être prises au sérieux par les professionnels de la santé. Mais la réalité est qu’une maladie rare peut être invisible.
J’ai vécu un parcours d’errance diagnostique pendant 14 ans avec mon fils. Tout a commencé lorsque j’ai remarqué qu’il ne tenait pas bien sa tête à l’âge de quatre mois. Rien ne laissait présager que ce manque de tonus inoffensif nous entraînerait dans une véritable odyssée diagnostique.
« Une maladie rare… quelles étaient les probabilités que ça nous arrive? (…) Une chose est certaine : plus le temps passe, plus nous craignons de ne jamais obtenir de réponse. »
C’est en septembre 2008, alors que mon fils avait 18 mois, que notre parcours d’investigations médicales a débuté. J’ai rencontré une neurologue et après quelques investigations de base elle m’a dit que mon fils était atteint d’une maladie rare, des signes cliniques le démontraient. Les examens effectués ne permettaient pas d’identifier précisément la maladie. Ils m’ont alors proposé une hospitalisation d’investigation d’une durée d’une semaine. Mon fils était petit et ne pouvait pas marcher, mais il était toujours heureux et souriant. Une maladie rare… quelles étaient les probabilités que ça nous arrive?
Une vie paralysée
Après avoir « gagné à la loterie de la génétique », il faut s’adapter à ce nouveau mode de vie, et ce n’est pas si simple. Cela représente souvent des suivis avec une dizaine de médecins spécialistes et la gestion des conditions complexes, parfois incompréhensibles. Les examens et les investigations s’accumulent, rendant le processus interminable. Conserver un emploi dans ces conditions devient un véritable défi. De nouvelles conditions médicales apparaissent régulièrement, représentant soit une lueur d’espoir, en nous offrant une piste supplémentaire vers le diagnostic, soit des inquiétudes lorsqu’elles indiquent une possible progression de la maladie inconnue.
« C’est comme si une partie de ma vie avait été mise entre parenthèses. »
Au milieu des multiples rendez-vous, il y a la prise en charge des soins, la réadaptation et les recherches pour tenter de trouver un nom à cette maladie. À quelle maladie sommes-nous confrontés? Une chose est certaine : plus le temps passe, plus nous craignons de ne jamais obtenir de réponse.
La gestion de ces dossiers médicaux exige beaucoup de temps et d’implication de la part du patient, qui devient souvent l’expert de son dossier. Le soutien des professionnels de la santé est important. C’est une collaboration essentielle.
Nouvelle réalité
Être en situation d’errance diagnostique apporte son lot d’incertitudes. Plusieurs hypothèses sont émises, et certaines sont plus inquiétantes. Il faut essayer de garder le cap face à l’annonce des mauvaises nouvelles. Parfois, des choix difficiles s’imposent : certains traitements ou examens dépassent le seuil de tolérance du patient. Lorsqu’il s’agit d’un enfant, c’est souvent au parent que revient la responsabilité de se prononcer selon la capacité de l’enfant.
Avec le recul, ces 14 années d’errance diagnostique ont représenté une longue période d’adaptation à un avenir incertain. C’est comme si une partie de ma vie avait été mise entre parenthèses. L’hypothèse d’une leucodystrophie de forme indéterminée me donnait l’impression de naviguer en eaux troubles. Certaines conditions médicales comme l’atrophie cérébelleuse et la perte auditive neurosensorielle progressive laissaient présager une progression de la maladie. J’ai dû me résigner à cette réalité inquiétante tout en continuant d’avancer vers la vision la plus positive possible. Une certaine adrénaline me permettait de continuer d’assumer toute la gestion de cette situation.
Tous ces éléments réunis ajoutent beaucoup de pression dans la vie quotidienne des personnes concernées. C’est comme être dans des montagnes russes, sans savoir ce qui nous attend au bout. Apprendre à composer avec tous ces défis et tenter de maintenir un certain équilibre nécessitent une grande capacité d’adaptation, que l’on développe au fil du temps.
L’espoir
Au milieu de toutes ces incertitudes, il est malgré tout possible de choisir l’espoir, et d’y croire.
Dans le monde des maladies rares, chacun vit sa propre réalité. Pour certains, l’espoir sera plus difficile à entretenir, car les pronostics varient en fonction des conditions médicales.
À quoi s’attendre lorsque même les meilleurs spécialistes n’arrivent pas à identifier la maladie? Et s’il s’agissait d’une maladie nouvellement identifiée, qui ne porte pas de nom officiel? Comment garder espoir alors que les chances d’obtenir un traitement semblent presque inexistantes? Évidemment, plus une maladie est rare, moins il y a de connaissances, d’informations et de recherches sur le sujet.
Combattre un mal inconnu revient à se retrouver sur un champ de bataille, où il faut se concentrer sur les priorités. La mienne était la stabilité de l’état de santé de mon fils.
Malgré les difficultés liées à cette errance diagnostique, j’ai eu une opportunité, celle de croire en un espoir : celui que sa maladie n’était peut-être pas dégénérative. Sa résilience, son courage, son sourire et sa joie de vivre immense ont toujours été une source d’inspiration. Cela représente une grande source d’enseignement. C’est l’ensemble de ce chaînon complexe qui m’a permis de traverser cette odyssée diagnostique.