Par Chloé-Anne Touma, rédactrice en chef de LES CONNECTEURS | Publié le 1er décembre 2025
Plus de 500 décideurs, chercheurs, entrepreneurs, investisseurs et partenaires institutionnels – toutes générations confondues – ont célébré des projets d’avant-garde en santé, développement durable, intelligence artificielle, technologies quantiques et autres secteurs stratégiques, lors du 35e gala des Prix Innovation de l’ADRIQ tenu le 27 novembre dernier au Palais des congrès de Montréal. Au cœur de la soirée, un constat récurrent : le défi majeur de l’innovation technologique demeure son transfert vers le marché et son adoption à grande échelle. La particularité de cette édition? Une volonté encore plus marquée de mettre en avant un progrès collectif, porté par une innovation résolument plus inclusive, tant par son orientation vers le bien commun que par la diversité de l’écosystème qui la fait émerger, jeunesse comprise. Coup de projecteur sur les lauréats qui ont particulièrement retenu l’attention de notre rédaction pour des technologies en phase avec les grands défis de société.

« Il fait bon de voir, parmi les exposants [au cocktail qui a précédé la remise de prix], des jeunes pousses, la relève du Réseau Technoscience et des clubs étudiants, réunis et souriants », n’a pas manqué de souligner le PDG de l’ADRIQ, Frédéric Alberro, tout en saluant « l’excellence de l’innovation au Québec », et les initiatives gouvernementales visant à la soutenir, dont la récente annonce de la création d’une dizaine de chaires de recherche dans des domaines stratégiques pour le Québec.
« L’innovation ne connaît vraiment pas d’âge (…) si vous cherchez la prochaine génération d’innovateurs, ne regardez pas vers demain, mais regardez autour de vous (…) » – Keyu Hu
Rencontré par notre rédaction au début de l’événement, l’Innovateur en chef du Québec, Luc Sirois, a confié que de voir chaque année des jeunes participants des Expo-sciences parmi les nommés et exposants, des étoiles dans les yeux, lui rappelait son propre parcours, et l’importance de ces concours comme déclencheurs pour une carrière d’innovateur ou d’innovatrice.

La première révélation de la soirée a d’ailleurs été le lauréat du « Prix jeune innovateur | Réseau Technoscience », Keyu Hu – un nom à retenir –, du Collège Saint-Louis (Montréal), qui a charmé les convives par sa verve, et la justesse de son discours, empreint d’une vision rafraîchissante pour une « innovation [qui] ne connaît vraiment pas d’âge, car quand on veut améliorer le monde, on le commence très, très tôt. Alors si vous cherchez la prochaine génération d’innovateurs, ne regardez pas vers demain, mais regardez autour de vous ce soir, car je crois que la relève y est déjà. »
Keyu Hu s’est démarqué dans le cadre de la Super Expo-sciences Hydro-Québec pour son projet visionnaire axé sur l’amélioration du dépistage oculaire, une crise touchant plus de deux milliards de personnes. Son innovation repose sur la création d’un rétinographe portable et peu coûteux (moins de 80 dollars) qui intègre l’IA. « Ça permet de faire un diagnostique précis, de manière accessible partout dans le monde, et se fonde sur l’apprentissage profond », a décrit le jeune innovateur, attirant l’attention de nombreux recruteurs présents dans la salle. L’appareil qu’il a présenté peut ainsi diagnostiquer huit maladies oculaires avec une précision allant jusqu’à plus de 95 %. Le projet est spécifiquement motivé par la volonté de réduire les inégalités d’accès aux soins, et aspire à transformer les pratiques médicales futures en mariant l’ingénierie et l’entrepreneuriat.

L’autre coup de cœur de la soirée, qui a laissé une impression particulièrement marquante, est sans conteste Qeen Biotechnologies, représentée par une équipe 100% féminine et issue de l’immigration, comme a tenu à le souligner sa PDG, Nancy Tawil.
Soutenue par la recherche appliquée, Qeen réalise des avancées majeures en bioproduction, en génomique des phages et en applications cliniques, avec des partenariats actifs dans 12 hôpitaux canadiens et des collaborations internationales. Forte de cinq nomination, et lauréate de deux prix (« Innovation | Jeune entreprise » et « Innovation thérapeutique ») pour son innovation qui répond à la crise sanitaire de l’ère, soit la résistance antimicrobienne, l’entreprise développe des thérapies personnalisées à base de bactériophages, des virus naturels capables d’éliminer les bactéries.
« (…) lorsqu’une médecine peut sauver une vie, elle doit être accessible à tous. » – Nancy Tawil
En collaboration avec le CNRC, Polytechnique Montréal et plusieurs centres hospitaliers, Qeen a mis en place la première plateforme québécoise conforme aux Bonnes Pratiques de Fabrication (BPF) pour produire à grande échelle des phages sur mesure. Cette infrastructure, couplée à une logistique clinique agile, permet une réponse rapide et concrète aux besoins des hôpitaux confrontés à des infections résistantes aux antibiotiques. « Grâce à cette capacité, plusieurs personnes pour lesquelles tous les antibiotiques avaient échoué ont reçu un traitement sur mesure, et retrouvé une chance réelle de vivre. L’innovation, les capacités industrielle et clinique, nous les avons construites ici. La prochaine étape doit se faire avec nos gouvernements, en reconnaissant ces thérapies comme soins essentiels et organisant leur remboursement, pour que leur accès ne dépende plus de fonds de recherche ou d’un exemption, mais d’un principe simple : lorsqu’une médecine peut sauver une vie, elle doit être accessible à tous. »

Le Prix du Fonds de recherche du Québec a été décerné à l’Université Laval pour son « Projet MAIN », une prothèse de main intelligente alliant capteurs HDEMG et IA. Les capteurs HDEMG sont des capteurs utilisés pour l’électromyographie haute densité (High-Density Electromyography). Ils permettent de mesurer l’activité électrique des muscles avec beaucoup plus de précision que l’EMG classique.

Le prix Coup de cœur de l’Innovateur en chef du Québec a été remis à Nationex, une entreprise québécoise qui s’est distinguée pour son service de livraison de colis décarboné. Lancée en 2023, la compagnie couvre tout le pays, avec plus de 10 millions de colis livrés annuellement et un réseau de 22 dépôts au Québec et en Ontario.
Nationex se distingue pour ses « Zones Vertes garanties » en livraison électrique, un concept unique qui assure une livraison 100 % décarbonée dans certaines régions. L’entreprise va plus loin avec son corridor interurbain électrique Montréal-Québec, et propose à ses clients un système de rapports d’impact GES pour quantifier concrètement la réduction d’émissions générée par leurs envois. Cette démarche innovante positionne Nationex comme un acteur de premier plan dans la logistique durable, en offrant une solution à la fois écologique, mesurable et accessible.
RinnoVision est lauréate du prix qui récompense la collaboration avec les CCTT, pour son partenariat avec le CRVI, ayant engendé une solution de vision avancée pour l’inspection des infrastructures souterraines, transformant la façon dont les municipalités et entreprises assurent la sécurité et l’intégrité de leurs réseaux d’égouts et d’aqueducs.
Le système intègre une caméra 360° haute résolution, des algorithmes de photogrammétrie 3D et une interface web intuitive, permettant une visualisation en temps réel et la création de modèles 3D précis des conduits inspectés. Portable, sans fil et offrant une qualité d’image exceptionnelle à un coût réduit, cette technologie accessible et écoresponsable réduit les risques pour les travailleurs, favorise la maintenance préventive et améliore la gestion des infrastructures municipales. Grâce à cette innovation, RinnoVision rend l’inspection souterraine plus sécuritaire, précise et abordable, au bénéfice des collectivités et de l’environnement.

Le « Prix Innovation | Intelligence artificielle », remis par le PDG du CRIM et le directeur en transfert technologique d’IVADO, a couronné Maket Technologies, une plateforme infonuagique innovante qui permet aux architectes et aux technologues en architecture d’automatiser le processus de création des plans d’architecture résidentielle. L’outil agit tel un assistant virtuel, suggérant même des designs intérieurs.
D’autres distinctions ont été décernées lors de la soirée, soulignant l’excellence de la relève scientifique et technologique québécoise dans des domaines variés.
Le défi pour l’innovation réside encore dans l’adoption locale du fruit de l’innovation québécoise, mais aussi son rayonnement à l’échelle globale. « Et ce travail-là, de passer de la bonne idée à cette création de valeur économique, en est un sous-estimé, qui passe souvent sous le radar », a signifié Françoys Labonté, PDG du Centre de recherche informatique de Montréal (CRIM), qui se consacre à cette mission.
« Mon souhait pour 2026, c’est qu’on multiplie par dix l’adoption de technologies québécoises par nos entreprises québécoises, pour un tremplin extraordinaire vers l’international. » – Richard Chénier
Rappelant que son OBNL a été créé en juillet 2024 pour « accélérer la commercialisation de nos produits technologiques innovants et propulser nos meilleurs talents à l’international », le directeur général de Québec Tech, Richard Chénier, a quant à lui formulé son souhait pour 2026 : « Ce qu’on veut, c’est que nos technologies rayonnent partout dans le monde (…) qu’on multiplie par dix l’adoption de technologies québécoises par nos entreprises québécoises, pour un tremplin extraordinaire vers l’international. »