Édito : Les talents ne tombent pas du « cloud »
Par Chloé-Anne Touma, rédactrice en chef de LES CONNECTEURS | Publié le 28 avril 2025
Chaque jour, les technologies de l’information et des communications redessinent notre quotidien. Elles sont les fondations invisibles d’une société de plus en plus numérique — des soins de santé à l’enseignement, des services bancaires à la culture. Pourtant, derrière les interfaces fluides, les lignes de code élégantes et les algorithmes puissants, une réalité beaucoup moins fluide s’impose : celle d’un secteur en profonde tension.
Ce numéro de LES CONNECTEURS, s’inspirant des constats de l’outil « Diagnostic sectoriel de main-d’œuvre en technologies de l’information et de la communication », récemment dévoilé par TechnoCompétences, explore ces tensions à travers un prisme aussi fondamental qu’urgent : celui de la main-d’œuvre.
Notre rédaction vous plonge au cœur des données de ce document étoffé, mais aussi de témoignages et d’entrevues que nous avons menées, pour mieux comprendre ce qui se joue aujourd’hui dans les coulisses de l’économie numérique québécoise. Et ce que nous avons trouvé est sans équivoque : le secteur des TIC a besoin de souffle, d’équité et d’imagination.
Un marché plus inclusif, moderne et innovant
Les chiffres sont clairs : la pénurie de talents spécialisés freine l’élan du numérique. Le recrutement est difficile, la rétention encore plus. Le roulement est élevé, les postes vacants s’accumulent, et l’alignement entre les formations offertes et les compétences demandées reste fragile. Le secteur tente de se renouveler, de se diversifier, mais peine encore à faire place à tous les talents disponibles — notamment ceux des femmes, des personnes issues de l’immigration, des communautés queer, ou des personnes neurodivergentes.
« Trop de talents restent encore à la marge, non par manque de compétence, mais par manque d’accès, de reconnaissance ou de conditions adaptées. »
L’inclusion, dans ce contexte, n’est pas un supplément d’âme. C’est une stratégie de survie, et un impératif d’équité. Trop de talents restent encore à la marge, non par manque de compétence, mais par manque d’accès, de reconnaissance ou de conditions adaptées.
Ce numéro s’articule autour de trois sous-dossiers, qui déploient les dimensions humaines de ces enjeux techniques : 1) Le défi de l’inclusion : nous y abordons les angles morts du secteur, ses biais systémiques, mais aussi les initiatives inspirantes qui émergent pour faire une place à toutes et tous ; 2) Former pour demain : une plongée dans l’univers de la formation initiale et continue, des parcours atypiques, des reconversions, des ponts à bâtir entre éducation et industrie, tout en parlant d’attraction et de rétention, parce qu’on ne peut bâtir une culture numérique solide sans se poser la question de ce qui motive — ou démotive — les professionnels du secteur. Salaires, équilibre, reconnaissance, santé mentale : tout y passe ; 3) L’impact des tendances techno : IA, cybersécurité, transformation numérique… les grandes vagues technologiques ne sont pas neutres pour la main-d’œuvre. Elles modifient les métiers, les attentes et les compétences requises.
Cette édition de LES CONNECTEURS, axée sur la main-d’œuvre en TIC, nous invite à repenser collectivement notre façon de développer, valoriser et prendre soin de nos talents. Car les talents ne tombent pas du cloud. Ils se forment, se choisissent, se soutiennent. Ils naissent parfois loin des radars, dans un cégep de région, un collectif queer de codeurs, ou dans les rêves d’une adolescente qui bidouille son premier jeu vidéo. Encore faut-il leur tendre la main.