Boycotter Amazon, mais avec quelles alternatives ?

Reportage de Sacha Israël | Publié le 10 février 2025

Un appel au boycottage d’Amazon a récemment été lancé par la Confédération des syndicats nationaux (CSN), invitant les consommateurs à privilégier les achats québécois ou canadiens. Malgré le lancement de plusieurs plateformes numériques gouvernementales ces dernières années dans divers domaines du quotidien, de nombreux défis persistent en matière de développement technologique, de gestion des ressources et de protection des données des utilisateurs.

Cette campagne de boycottage d’Amazon lancée en début d’année fait suite à l’annonce de la fermeture des entrepôts du géant du commerce de détail au Québec. Le premier ministre François Legault a d’ailleurs exprimé vouloir se passer de la multinationale pour penser aux alternatives numériques existantes, rappelant l’époque du panier bleu, site transactionnel québécois fermé depuis février 2024.

Le panier bleu, un site transactionnel à la logistique discutable

Cette initiative locale née de la période de la crise sanitaire en 2020 a bénéficié de nombreux financements gouvernementaux visant à offrir une importante visibilité aux commerçants et produits québécois. Arrivée comme vitrine en 2020, elle a ensuite été transformée en site transactionnel avec la vocation de devenir une sorte de concurrent local promettant beaucoup d’attentes.

Ces attentes élevées provenaient notamment de l’implication financière conséquente du gouvernement, avec la subvention de 975 000$ du ministère de l’économie et de l’Innovation, reçue dès le lancement. S’en est ensuite suivie une contribution supplémentaire non-remboursable de 3 150 000 $ à l’organisme Le Panier Bleu pour la réalisation de sa deuxième phase de développement.

Les résultats d’utilisation n’ont pourtant pas reflété les efforts fournis au vu du peu de trafic constaté sur la plateforme. Un sondage de NETendances publié en 2023 démontrait notamment que 55% des adultes québécois connaissaient le panier bleu et que seulement 7% des sommes dépensées par les cyberacheteurs auraient été faites sur le site.

Au printemps 2023, on comptait seulement 1% de produits certifiés québécois sur les 100 000 produits disponibles sur le site.

Un site qui s’est d’ailleurs avéré peu fonctionnel en terme d’expérience utilisateurs à cause d’une interface jugée peu intuitive et d’une absence de fonctionnalités essentielles, à l’inverse de plateformes comme Amazon. Comparé à une « carte de géolocalisation Google maps en moins beau et moins pratique » dans un texte d’opinion du Nouvelliste, le site a également été critiqué pour son image de marque floue avant d’être réajustée par les responsables de la plateforme.

Ainsi, bien que le Panier Bleu ait pour mission de promouvoir l’achat local, la présence de produits non québécois a suscité des critiques de la part des consommateurs, remettant en question l’authenticité de l’aspect local de la plateforme. Au printemps 2023, on comptait seulement 1% de produits certifiés québécois sur les 100 000 produits disponibles sur le site. On y voyait notamment des milliers d’articles fabriqués en Chine comme des Legos, des lunettes de soleil, des chaussures de sport et des ordinateurs tels que le reporte une chronique du Journal de Montréal.

Ce site, dont les activités ont cessé en février 2024, fait écho à plusieurs autres initiatives gouvernementales ayant également suscité la controverse.

ArriveCAN : des millions dépensés, des plaintes déposées

ArriveCAN, l’application gouvernementale développée pendant la pandémie, avait été mise au point dans le but de faciliter la soumission des informations sanitaires par les voyageurs entrant sur le territoire. 

L’application désormais controversée est au cœur de plusieurs enquêtes pour des motifs de gestion opaque des documents, soulevant des préoccupations quant à la transparence du gouvernement. 

Le coût de développement d’ArriveCAN a ainsi été vivement critiqué, avec une estimation évaluée à 59,5 millions de dollars, selon le bureau du vérificateur du Canada. Une des enquêtes vise ainsi à déterminer si les fonds publics ont été utilisés de manière responsable et si les contrats attribués dans le cadre du projet respectaient les normes d’approvisionnement en vigueur.

Enfin, la fiabilité même de l’application a été mise en doute puisqu’en 2022, plus de 10 000 voyageurs ont reçu à tort une notification leur ordonnant de se mettre en quarantaine, alors qu’ils ne devaient pas l’être. Ce dysfonctionnement a alors déclenché une enquête sur la gestion des données et la robustesse du système.

Des problèmes techniques qui malgré les corrections du gouvernement fédéral, ont indigné les syndicats affirmant perdre du temps à traiter les voyageurs qui ne remplissent pas leur document dans l’application, selon un article de Radio-Canada.

Clic Santé : des clics, des bugs et des fuites

Clic Santé, une plateforme mise en place pour permettre aux Québécois de prendre rendez-vous en ligne pour des services de santé, notamment la vaccination contre la COVID-19 a rapporté quelques problèmes. 

La plateforme qui permettait un accès facilité aux services de santé a été victime de plusieurs pannes et problèmes techniques dus à une forte affluence des utilisateurs sur le site, rendant la tâche difficile pour obtenir un rendez-vous.

Certains ont même dû modifier et mentir volontairement sur leur statut pour pouvoir prendre rendez-vous à cause de problèmes techniques, ce qui a notamment été constaté dans les prises de rendez-vous pour l’administration de la 3ème dose du vaccin contre la COVID-19.

Des soucis de bris de confidentialité avaient également été signalés en mai 2021 en lien avec une fuite de données exposant des documents qui contenaient des informations de rendez-vous de vaccination contre la COVID-19.

Des informations comme le numéro d’assurance maladie, les dates, heures et lieux de vaccination étaient visibles, permettant d’identifier facilement les personnes concernées.

Ces initiatives numériques gouvernementales soulèvent ainsi tout un ensemble d’enjeux où les ambitions initiales se heurtent souvent à des problèmes de gouvernance, de logistique et de transparence. ​Un constat illustré par ces différentes plateformes, conçues pour améliorer l’expérience utilisateur, mais qui ont fini par produire l’effet inverse.