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Par Chloé-Anne Touma, rédactrice en chef de LES CONNECTEURS | Publié le 8 décembre 2025
« Il y a un déficit de données dans le secteur agroalimentaire au Canada (…) On a des producteurs agricoles qui volent à l’aveuglette! », soutient le spécialiste Sylvain Charlebois, annonçant également une hausse du coût de votre panier d’épicerie de 4 à 6 % en 2026, soit d’environ 1 000 $ par famille canadienne, selon des projections soutenues par l’intelligence artificielle. C’est ce que révèle la 16ᵉ édition du Rapport annuel sur les prix alimentaires qu’il a co-signé avec d’autres chercheurs de l’Université Dalhousie.
Le professeur Charlebois, directeur du Laboratoire de sciences analytiques en agroalimentaire, était justement de passage au Centre de recherche informatique de Montréal (CRIM), le 4 décembre dernier, pour expliquer sur quelles données son équipe s’appuie. Changements climatiques, stratégies et mesures gouvernementales, effets du congé de TPS et tarifs douaniers, autant de facteurs influant sur la flambée des prix des aliments, et qu’il faut croiser pour en mesurer l’impact. C’est là que l’intelligence artificielle entre en jeu.
« Nous utilisons l’IA pour démarrer une conversation sur ce qui va se passer avec le prix des aliments dans huit catégories (…) » – Sylvain Charlebois
« Nous utilisons l’IA pour démarrer une conversation sur ce qui va se passer avec le prix des aliments dans huit catégories : produits de boulangerie, fruits, produits laitiers et œufs, viande, restaurants, fruits de mer, légumes, autres », a décrit l’économiste, sans toutefois manquer de rappeler le défi que rencontre la recherche en matière de projections dans le secteur agroalimentaire.
« (…) avec l’IA, si vous n’avez pas de bonnes données, c’est ‘garbage in, garbage out’ » – Sylvain Charlebois
« On a des chercheurs en sciences informatiques qui développent leurs modèles et nous offrent des prévisions. La difficulté est d’intégrer dans le modèle des données. Parce qu’avec l’IA, si vous n’avez pas de bonnes données, c’est ‘garbage in, garbage out’ ». En d’autres mots, la qualité de ce qui sera produit à la sortie du processus sera à l’image des données entrées dans le système, d’où le besoin de l’alimenter en données pertinentes. « Il y a un déficit de données dans le secteur agroalimentaire au Canada. Si vous voulez prévoir l’avenir, ou comprendre les effets des changements climatiques sur quoi que ce soit, vous n’êtes pas bien outillé pour le faire au Canada. »
« Après 16 ans de développement, notre modèle de prévision ne s’appuie que sur 10 % de données canadiennes (…) Ça fait peur! » – Sylvain Charlebois
Pour permettre aux consommateurs de se projeter en 2026, l’équipe de Sylvain Charlebois a donc eu recours à plusieurs sources de données étrangères. « Après 16 ans de développement, notre modèle de prévision ne s’appuie que sur 10 % de données canadiennes. 90 % des données restantes proviennent des États-Unis, de l’Europe, de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (ONUAA). Ça fait peur! », remarque Sylvain Charlebois.
Après avoir « épluché les données sur l’inflation de Statistique Canada », ses collègues et lui auraient constaté, notamment, que les informations de l’agence du gouvernement fédéral canadien ne prenaient pas en compte les effets de la « réduflation », stratégie commerciale par laquelle on maintient les prix en apparence pour un produit dont on réduit en fait la quantité à l’intérieur de son emballage, créant ainsi l’illusion de la stabilité, et dissimulant l’inflation engendrée.
« La réduflation, c’est lorsque vous achetez un produit pour lequel il y a moins de quantité pour le même prix. [Notre équipe de recherche] croit que Statistique Canada sous-évalue l’inflation alimentaire en raison de la réduflation », a résumé l’économiste, conscient que ce constat peu reluisant ne lui vaudra « pas de carte de Noël » de la part de l’organisation.
Sylvain Charlebois relève également l’intelligence du consommateur canadien moyen. « On sent vraiment que les gens sont plus allumés et connaissent les prix. La demande est beaucoup plus intelligente qu’il y a 16 ans, plus stratégique, et ça change l’approche des détaillants aussi. »
Mais pour que les entreprises, producteurs et transformateurs alimentaires canadiens soient mieux outillés et profitent d’une meilleure capacité prévisionnelle grâce à l’IA, « il faut d’abord régler notre problème de déficit de données », conclut le professeur de l’Université Dalhousie.
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