Carney, Solomon et les compétences numériques : quelles corrélations?

Chronique de Sylvie Leduc | Publiée le 15 septembre 2025


Mark Carney au pouvoir, Evan Solomon à l’IA et au numérique : et si ces choix politiques disaient quelque chose de notre rapport collectif aux compétences numériques?


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Septembre : la rentrée

Beaucoup d’événements se sont produits ces derniers mois. Un bref retour s’impose.

Le 28 avril dernier, Mark Carney est devenu premier ministre du Canada. On ne pouvait rêver mieux. J’ai eu de brefs échanges avec lui lorsqu’il était gouverneur de la Banque d’Angleterre. Il est sincère, humble et brillant. À mes yeux, il est le mieux placé pour transiger avec le locataire de la Maison-Blanche, monsieur Trump.

Le 13 mai, Mark Carney a nommé Evan Solomon ministre de l’Intelligence artificielle et de l’Innovation numérique. L’ayant suivi comme journaliste depuis des années et rencontré à deux reprises à Montréal, je considère que c’est un bon choix. Il faut lui laisser le temps de s’installer dans ses fonctions. Ayant étudié à McGill, son français est solide.

Pendant ce temps, à Montréal…

Une gestionnaire de projet, également coach agile, persévérante, entretient une belle relation professionnelle avec un professeur et chercheur remarquable de l’UQAM : Simon Bourdeau.

En 2021, durant la pandémie, Simon et d’autres chercheurs du CIRANO ont développé l’Indice des compétences numériques (ICN). L’outil est toujours disponible gratuitement sur le site du CIRANO. J’ai trouvé le projet tellement intéressant que je me suis jointe bénévolement à l’initiative.

Aujourd’hui, nous travaillons à relancer ce projet afin de mettre à jour l’indice. Nous sommes en 2025 : quatre ans en technologies de l’information, c’est une éternité.

Depuis, l’IA a fait une entrée massive dans nos vies personnelles et professionnelles, le projet de loi C-27 a été mis sur la glace et, au sud de la frontière, un président fait fi de la règle de droit en matière de technologie. Pendant ce temps, le Canada — surtout le Québec et l’Ontario — s’efforce de préserver sa place convoitée sur la scène mondiale en prônant une IA responsable.

Évitons les dissonances de discours : c’est de cette façon que le consommateur, tout comme le professionnel non-geek, finit par perdre confiance dans la législation, l’éthique et la gouvernance, ainsi que dans les pratiques censées les soutenir. Avec une bonne formation, toutefois, la confiance se reconstruit.

En juin dernier, Simon, représentant le CIRANO, et moi, comme complice, avons participé au premier RDV Innovation organisé par PMI-Montréal. Plus de 150 participants étaient présents, et la réponse fut excellente. L’engouement autour de l’outil était palpable, autant chez les gestionnaires de projets que parmi les organisations représentées. Tout récemment, Simon et moi avons rencontré un ordre professionnel qui a qualifié l’ICN de « très complet ».

Prochaines étapes

Pour appuyer nos travaux, j’ai fouillé les données disponibles sur l’IA au Canada. Les résultats parlent d’eux-mêmes :

Comme pour tout apprentissage, l’acquisition de compétences en IA doit se faire de façon graduelle. On ne s’inscrit pas à un marathon sans entraînement. Si nos bases en littératie numérique sont faibles, elles le resteront dans le domaine de l’IA.

Une nouvelle étude menée par KPMG International et l’Université de Melbourne souligne que les Canadiens affichent l’un des plus bas niveaux au monde en matière de formation, d’alphabétisation et de confiance envers les systèmes d’intelligence artificielle.

Intitulée Confiance, attitudes et utilisation de l’intelligence artificielle : une étude mondiale 2025, cette enquête — la plus complète à ce jour — a été réalisée en juin dernier auprès de plus de 48 000 personnes dans 30 économies avancées et 17 économies émergentes, dont 1 025 au Canada.

Les résultats sont préoccupants :

  • Le Canada se classe 44e sur 47 pays en matière de formation et de connaissances en IA.
  • Parmi les 30 économies avancées, il occupe le 28e rang.
  • Sur la confiance envers les systèmes d’IA, il arrive 42e sur 47 pays, et 25e sur 30 économies avancées. Ouch!

Ces données démontrent la nécessité d’investir davantage dans l’éducation, la formation et la réglementation, afin de renforcer la confiance des Canadiens et de faire de l’IA un outil stratégique pour relever le défi de productivité du pays, souligne Benjie Thomas, PDG et associé principal de KPMG au Canada.

Renforcer l’ICN

En bâtissant sur les fondements de l’ICN :

  • Littératie numérique
  • Auto-efficacité et inventivité numérique
  • Travail collaboratif à l’ère du numérique
  • Adaptabilité et flexibilité numérique
  • Littératie informationnelle et maturité analytique
  • Hygiène numérique

Nous envisageons d’ajouter :

  • Cybersécurité
  • IA générative et classique
  • Désinformation
  • Pensée critique à l’égard du numérique
  • Culture numérique
  • Et possiblement d’autres, selon les ressources disponibles.

Car c’est en s’autoévaluant que l’on progresse et que l’on prend les choses en main. La productivité de notre province et de notre pays en dépend.

Nous communiquerons, dans les semaines et mois à venir, sur les avancées de nos travaux — surtout ceux de Simon en ce moment, il faut bien l’admettre! — par l’entremise des médias sociaux.