L’IA en publicité : révolution ou faux pas?

Par Mérédith Campeau | Publié le 1et octobre 2025


L’IA va-t-elle faire disparaître les métiers en agence de pub et de communication? Ou, au contraire, stimuler les créateurs de ce milieu?

« Il y a un côté kitsch, un peu fake, que l’IA n’arrive pas encore à soustraire », constate Nicolas Baldovini, associé et vice-président création chez LG2.

Au Québec, la publicité s’est toujours démarquée par son audace et son humour. Mais avec l’arrivée de l’intelligence artificielle, le milieu évolue, transformant certains métiers et faisant émerger de nouvelles compétences comme le « prompt engineering ». Entre inquiétudes et opportunités, une question s’impose : l’IA est-elle une menace pour les agences d’ici ou une source d’inspiration capable de stimuler la créativité?

[ÉDITO] Créativité augmentée : déstigmatiser l’IA en création

Une menace pour certaines agences

Les tâches répétitives comme la rédaction, la création de visuels simples et l’analyse de données sont particulièrement exposées à l’automatisation. Certaines entreprises pourraient disparaître si elles ne s’adaptent pas à cette réalité.

Le cas du Festival d’été de Québec (FEQ) illustre bien cette tension. L’agence publicitaire Cossette, à l’origine de sa campagne promotionnelle, a eu recours à l’IA générative pour produire les images utilisées dans ses promotions, provoquant la colère de beaucoup de Québécois, notamment au sein de la communauté artistique. Des erreurs visibles dans les visuels, telles qu’une main à quatre doigts, ont circulé sur les réseaux sociaux, alimentant les critiques. Le FEQ a défendu sa démarche en précisant que l’IA n’était qu’un outil de soutien. Ce cas montre que l’IA, malgré son potentiel, peut nuire à la crédibilité d’une campagne si elle n’est pas utilisée avec prudence.

L’IA comme stimulation de la créativité

L’IA permet d’explorer de nouveaux horizons créatifs. Des projets comme Imagine explorent la génération de visuels et de scénarios publicitaires créés entièrement avec l’IA. Chez Triomphe Marketing, on souligne le potentiel de la publicité personnalisée : grâce aux algorithmes de machine learning et au traitement du langage naturel (NLP), les annonceurs peuvent analyser le comportement des consommateurs et diffuser des messages adaptés en temps réel, optimisant ainsi l’engagement. Ces technologies ne remplacent pas le travail humain, mais automatisent les tâches techniques répétitives, libérant du temps pour réfléchir à la stratégie, aux émotions véhiculées et à la dimension culturelle des campagnes.

Mais si l’IA stimule la créativité et accélère la production, elle pose tout de même un défi important : préserver l’authenticité, la qualité et le caractère distinctif des campagnes québécoises, qui reposent sur un équilibre subtil entre humour, audace et sensibilité culturelle.

Tendances et enjeux locaux

Au Québec, certaines entreprises adoptent l’IA plus vite que la moyenne, tandis que d’autres restent plus prudentes, créant une fracture entre innovateurs et conservateurs. En matière de sensibilités locales, cette évolution soulève également des questions propres aux enjeux de souveraineté culturelle et de préservation de l’identité francophone, puisque la majorité des systèmes d’IA générative proviennent de grandes entreprises américaines.

Ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain

Malgré l’efficacité de l’IA, on reconnaît un apport essentiel au jugement humain, à l’émotion et à l’authenticité, qui permettent de se distinguer en publicité québécoise. De nouvelles expertises se développent ainsi pour accompagner cette transformation, redéfinissant les métiers du secteur. C’est donc qu’à défaut de remplacer les métiers en agence, l’IA les réinvente, en automatisant certaines tâches, puis en libérant de l’espace pour l’innovation, la stratégie et la créativité. Mais cette transition demande vigilance.

Entre risques d’usage maladroit et enjeux liés à la souveraineté culturelle, les professionnels doivent apprivoiser ces outils tout en préservant ce qui les distingue. L’IA apparaît donc moins comme une menace, ce qui pousse le milieu publicitaire à se réinventer, tout en restant fidèle à son essence.


Chronique parue initialement dans cette édition du magazine LES CONNECTEURS :