L’éducation numérique pour lutter contre la cyberintimidation et la désinformation

Reportage de Nathalie Simon-Clerc | Publié le 27 avril 2025


Crédit montage vidéo : Chloé-Anne Touma


La dématérialisation des médias couplée à l’apparition des réseaux sociaux a bouleversé la manière dont les jeunes générations s’informent. Désarmés face au déferlement de la cyberintimidation et de la désinformation, les parents ne disposent pas toujours de la littératie numérique adéquate pour contrer ce fléau. Pourtant, des outils existent, notamment pour aider les enseignants, et des pays comme l’Australie ont même pris des mesures radicales pour protéger les jeunes générations.

Le 27 mars dernier se tenait une série de panels en lien avec la désinformation à l’ère de l’IA, organisés par le Centre de Recherche Informatique de Montréal (CRIM), en partenariat avec LES CONNECTEURS. « Il est important de sensibiliser les enfants dès leur plus jeune âge, pour qu’ils développent de bons réflexes, pour qu’ils soient de bons consommateurs de nouvelles », a expliqué Martine Rioux, rédactrice en chef de la revue École branchée. Elle participait au panel sur le thème « Éducation à l’information : comment sensibiliser le public ? », en compagnie de Marie-Astrid Dubant, directrice générale de CyberCap, d’Amina Yagoubi Kurtin, fondatrice d’AKY-Conseils, et d’André Lavoie, membre fondateur du Centre québécois d’éducation aux médias et à l’information (CQÉMI).

Les panélistes se sont accordés à dire que les parents eux-mêmes ne sont pas toujours outillés pour détecter la désinformation. En 2024, 43 % des Canadiens s’informent sur les réseaux sociaux, et 64 % via les téléphones intelligents (rapport 2024 de l’institut Reuters).

« Les réseaux sociaux ne sont pas là pour informer! »

Marie-Astrid Dubant, Amina Yagoubi Kurtin, André Lavoie, Martine Rioux. (Photo : Nathalie Simon-Clerc)

Selon André Lavoie, « les gens ne vont plus sur les sites d’information. Ils attendent que les réseaux sociaux les informent (…) les réseaux sociaux ne sont pas là pour nous informer. Ils sont là pour créer des liens, unir les gens, partager des choses entre les utilisateurs. » Il voit également une autre explication à l’incursion de la désinformation : le blocage des médias canadiens sur les sites de Meta (Facebook et Instagram) qui a laissé le champ libre à la désinformation.

Avant, les gens étaient récepteurs de contenu. Maintenant, ils sont producteurs de contenu (…) ça fait en sorte que le bruit devienne de plus en plus fort, de plus en plus imperceptible » – André Lavoie

Les panélistes ont avancé une autre explication au brouhaha ambiant. « Avant, les gens étaient récepteurs de contenu. Maintenant, ils sont producteurs de contenu (…) ça fait en sorte que le bruit devienne de plus en plus fort, de plus en plus imperceptible », a soutenu André Lavoie.

Si les parents sont parfois démunis face à ce brouhaha numérique, les jeunes générations le sont encore moins selon les panélistes.

La fracture numérique

Amina Yagoubi Kurtin estime que même si les jeunes sont nés avec le numérique, « Il y a une grande fracture numérique au second degré, sur le plan de la littératie et de la compétence ». 

Elle explique que les jeunes, mais aussi les adultes, parfois même diplômés, ne sont pas capables de détecter de fausses nouvelles sur les réseaux sociaux. « Ne pas savoir qu’une information est fausse, ça fait partie de la fracture numérique. » ajoute-t-elle.

« Il y a une grande fracture numérique au second degré, sur le plan de la littératie et de la compétence. » – Amina Yagoubi

Éduquer à l’école

Les panélistes ont énuméré une panoplie de ressources pour réduire cette fracture.

« Il faut partir de leur expérience et de ce qu’ils aiment, et non pas imposer nos vieux modèles de la maison remplie de magazines sur papier glacé », conseille André Lavoie.

Martine Rioux insiste sur le rôle des enseignants, pas forcément outillés pour répondre à ce nouveau défi. Elle suggère qu’un volet « Éducation aux médias » soit intégré au nouveau cours de culture et citoyenneté québécoise, mais aussi que les enseignants s’emparent de nouvelles auxquelles les jeunes ont été exposés, pour les transformer en vérificateurs de faits, et développer les bons réflexes et leur esprit critique.

Médias destinés aux jeunes, ateliers du CQÉMI, journaux étudiants, ateliers animés par des journalistes… les panélistes ne sont pas avares de solutions pour éduquer les jeunes à la bonne information.

Et les pouvoirs publics?

Ils insistent également sur le rôle des pouvoirs publics pour éduquer voire contraindre. En Australie, l’accès aux réseaux sociaux est bloqué avant l’âge de 16 ans. Au Danemark et en Finlande, des programmes scolaires sont développer pour proposer une éducation aux médias, à l’information, à l’éducation à la citoyenneté numérique, à la compétence numérique. En France, le programme Internet sans crainte a été développé pour sensibiliser les jeunes aux risques et enjeux d’internet.

Le panel conclut sur ce message : « Ça prend des décisions gouvernementales concrètes! »


Des ressources utiles à consulter :

1) Le rapport intitulé « Cyberviolence chez les jeunes : Les défis de la cyberintimidation », réalisé par Amina Yagoubi, et présenté par le Printemps numérique dans le cadre du Programme de soutien financier Ensemble contre l’intimidation du ministère de la Famille du Québec

2) Le numéro de LES CONNECTEURS consacré à la désinformation