LoiZéro trouve son directeur principal de la recherche
Reportage de Chloé-Anne Touma, rédactrice en chef | Publié le 16 juillet 2025
Depuis l’annonce de sa création, le laboratoire québécois LoiZéro, voué à concevoir des systèmes d’intelligence artificielle sécuritaires dès leur genèse, suscite une attention soutenue bien au-delà des frontières. Dans un contexte mondial où les solutions garantissant un développement éthique et responsable de l’IA se font rares, ce nouveau pôle de recherche s’impose déjà comme un joueur stratégique, et la nomination de Philippe Beaudoin à la direction principale de la recherche, annoncée aujourd’hui, vient préciser les ambitions scientifiques du projet.
Au début du mois de juin, Yoshua Bengio, fondateur de Mila – Institut québécois d’intelligence artificielle, annonçait la création de LoiZéro, « une nouvelle organisation de recherche à but non lucratif sur la sécurité de l’IA (…) afin de prioriser la sécurité par rapport aux impératifs commerciaux ». Sa mission : développer des solutions technologiques pour limiter les risques associés aux intelligences artificielles, qu’il s’agisse de biais algorithmiques, d’utilisations malveillantes ou de perte de contrôle humain.
« Le plan de recherche de LoiZéro vise à développer une IA non-agentique et digne de confiance, que j’appelle ‘IA-chercheur’, ou ‘Scientist AI’ en anglais (…) L’IA-chercheur est entraîné à comprendre, expliquer et prédire, comme un scientifique sans égo, idéalisé et platonique. Au lieu d’un acteur formé pour imiter ou plaire aux gens (y compris les sociopathes), imaginez une IA entraînée comme un psychologue – ou un scientifique en général – qui essaie de nous comprendre, y compris comprendre ce qui peut nous nuire », décrit Yoshua Bengio.
Philippe Beaudoin : l’homme de la situation
Chercheur, développeur et entrepreneur chevronné, Philippe Beaudoin a travaillé comme ingénieur principal chez Google, contribuant aux systèmes de recommandation pour le navigateur Chrome. En 2016, il a cofondé Element AI, une entreprise québécoise pionnière dans le domaine de l’intelligence artificielle. Avant de rejoindre LoiZéro, il était le fondateur et PDG de Waverly, une start-up qui avait pour mission d’explorer comment le langage et le dialogue peuvent créer des réseaux sociaux plus enrichissants.
« (…) il faut accorder davantage d’attention collective à la recherche fondamentale en IA. Sinon, nous construisons des avions de plus en plus gros sans vraiment comprendre pourquoi ils tiennent en l’air. »
« Depuis que j’ai décidé de fermer Waverly, je me suis consacré à avoir des conversations inspirantes. L’une des premières, naturellement, a été avec mon ami Yoshua Bengio. Il m’a parlé du projet qui occupe la majeure partie de son attention depuis un an : LoiZéro. J’ai reconnu sa voix de ‘bâtisseur’. Sa voix ‘prudemment optimiste’. L’entendre parler ainsi m’a permis de réaliser que je partageais bon nombre de ses préoccupations. Des préoccupations face à une intelligence artificielle au potentiel immense, mais développée par des organisations pour qui la sécurité demeure une considération secondaire. Depuis des années, lui et moi tenons un discours similaire : il faut accorder davantage d’attention collective à la recherche fondamentale en IA. Sinon, nous construisons des avions de plus en plus gros sans vraiment comprendre pourquoi ils tiennent en l’air », a rappelé aujourd’hui Philippe Beaudoin, connu aussi pour son engagement et son influence positive quant aux questions de souveraineté numérique, notamment propres aux réseaux sociaux, ayant contribué à faire connaître et démystifier le modèle Bluesky, premier réseau social dit « ouvert », auprès de l’importante communauté d’internautes qui le suit.
« L’expérience en IA de Philippe et son engagement envers le développement responsable de cette technologie sont parfaitement alignés avec la mission de LoiZero, et nous sommes impatients de collaborer avec lui pour développer des systèmes d’IA sécuritaires », a déclaré Yoshua Bengio, coprésident et directeur scientifique de l’organisation.