Abandon de la taxe canadienne sur les services numériques : un grave recul

Une chronique de Patrick White, spécialiste des médias | Publiée le 4 juillet 2025


L’abandon de la taxe canadienne sur les services numériques des géants du web (GAFAM) représente un grave recul. Elle envoie le message que le Canada est faible et fait la carpette pour plaire au président américain Donald Trump.

Celui-ci avait décidé de mettre fin aux négociations commerciales avec le Canada, sur les tarifs entre autres, en raison de la fameuse taxe canadienne sur les services numériques offerts par les Apple, Amazon, Google, TikTok, Meta, Spotify, Netflix et Microsoft de ce monde.

L’autre message envoyé : le Canada est prêt à s’écraser devant les «barbares numériques », ces géants du Web sans foi ni loi qui paient peu ou pas d’impôts au Canada ou même ailleurs dans le monde.

Mais en quoi consistait la taxe sur les services numériques? Premièrement, elle était rétroactive à janvier 2022 et avait été annoncée il y a déjà quelques années. Deuxièmement, les géants du Web avaient déjà mis l’argent de côté pour faire les paiements au Canada à compter du 1er juillet 2025. Il faudra même déposer une nouvelle loi à l’automne 2025 pour permettre le remboursement des sommes déjà envoyées à l’Agence de revenu du Canada (ARC). Imaginez.

« (…) on doit comprendre que le Canada met une croix sur des revenus importants au cours des 10 prochaines années, et cela augure fort mal pour le règne de Mark Carney, qui est minoritaire au Parlement, doit-on le rappeler. »

Cette taxe aurait permis à l’État canadien d’aller chercher bon an mal an entre 1,2 milliard$ et 2 milliards$ par an (dépendant des calculs) des mains des géants techno qui font affaires au Canada. La taxe devait prélever 3 % des revenus canadiens des entreprises numériques. Un très petit montant, en fait. Quasi symbolique.

L’idée de la taxe, également, venait de la volonté des pays de l’OCDE de forcer les GAFAM à payer davantage d’impôts afin de compenser l’évasion fiscale des 15 dernières années. Cette annonce date de 2021 et vise 15 % d’impôts pour les géants du Web en faveur des pays membres de l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques. Environ la moitié des pays européens ont déjà mis en place la taxe ou proposé une version, selon une ONG.

Il y a donc une mouvance internationale depuis quatre ans pour aller chercher des sous auprès des géants de la Silicon Valley et de la Chine.

Cependant, un autre grave recul a accompagné celui du Canada. Le G7, qui comprend les sept grands pays industrialisés au monde, a annoncé en même temps fin juin qu’il exemptait les multinationales américaines d’une taxation minimale mondiale de 15 %. Le prétexte? Les GAFAM sont déjà imposés aux États-Unis, leur base territoriale (sauf TikTok)…

Dans ce contexte, on doit comprendre que le Canada met une croix sur des revenus importants au cours des 10 prochaines années, et cela augure fort mal pour le règne de Mark Carney, qui est minoritaire au Parlement, doit-on le rappeler.

Cet aveu de faiblesse de Carney, qui veut acheter la paix à tout prix avec Donald Trump, n’augure rien de bon quant à la souveraineté numérique du Canada, déjà mise à mal par les géants du Web.

N’oublions jamais que Meta bloque le partage et la publication des articles journalistiques au Canada depuis août 2023, en raison de la Loi C-18 qui force Meta et Google à payer des redevances annuelles à un collectif de médias canadiens pour compenser la perte des revenus publicitaires siphonnés par les GAFAM depuis le début des années 2010. Google a accepté de payer 100 millions $ par an, rétroactif au 1er janvier 2024. Déjà, les premiers paiement de Google sont arrivés et cela pourrait aider temporairement les médias du pays à passer à travers la grave crise qui les secoue encore aujourd’hui. 

Pour Meta, c’est un maigre 62 millions $ par an qui était demandé. Meta a prétexté qu’elle ne faisait pas d’argent avec le partage des nouvelles au Canada et a ainsi bloqué ensuite les nouvelles, ce qui demeure totalement inacceptable encore en 2025. C’est une grave attaque envers la démocratie canadienne, et ça encourage la désinformation en pays en raison du vide informationnel présent sur Facebook et Instagram depuis août 2023, sans oublier les récentes élections fédérales canadiennes.

Pendant ce temps, la baisse des revenus publicitaires dans les médias se poursuit au Canada en 2024 et 2025. L’annonce du gouvernement canadien à l’égard de l’abandon de la taxe sur les services numériques nous montre qu’il faudra rester aux aguets pour défendre haut et fort la souveraineté numérique canadienne.