World Summit AI : miser sur les liens humains pour une gouvernance éthique de l’IA

Par Sylvie Leduc, chroniqueuse pour LES CONNECTEURS | Chronique publiée le 29 avril 2025


C’est grâce à une collègue torontoise, membre comme moi du groupe de réflexion La Concorde Aula pour la science, la technologie et les politiques de l’IA — auquel je me suis jointe il y a quelques mois — que j’ai eu envie d’assister au World AI Summit, tenu récemment à Montréal. Production de l’entreprise britannique Inspired Minds, cet événement m’a offert l’occasion d’échanger virtuellement avec sa fondatrice et PDG, Sarah Porter. Une femme remarquable, au parcours impressionnant et aux valeurs profondément humaines, qui guident ses travaux dans le domaine de l’intelligence artificielle.

Un regard critique… mais positif

Au risque de me répéter, j’endosse toutes les initiatives innovatrices en technologies, lorsqu’elles sont balisées, réfléchies, encadrées, financièrement solides et finalement auditables. Je viens initialement du monde de la finance, vous m’en excuserez. Des crashs financiers, j’en ai lus et connus. De croire que ça ne peut se produire avec la tech, c’est de se créer de fausses illusions. Référence : la débandade de nos fameux Réseaux Sociaux. J’assiste donc à ces événements avec une posture probablement plus critique et holistique que la moyenne. Il n’y a pas seulement la tech qui compte dans mon tableau de bord.

Grosso modo, j’ai été fort surprise par la qualité du programme, conférences et exposants. Lorsque le Département de la Défense Canadienne est présent à ce type d’événement, ça me réconforte plutôt bien.

L’initiative s’inscrit dans une série d’actions qui débute à Montréal, se poursuit ensuite aux États-Unis, en Europe et finalement se termine au Qatar en décembre. J’endosse fortement cette vision mondiale et ose croire que les organisateurs agglomèrent toutes les données moissonnés en lien avec ces présences pour en développer du contenu solide à partager, afin que nous apprenions l’un de l’autre avec ouverture et compréhension.

Les sujets et contenus étaient pondérés et modérés ; les excellentes et positives avancées de l’IA versus les importants risques à mitiger face à des éléments négatifs très marquants pour notre société présente et à venir, étaient bien étalés et abordés.

De beaux échanges avec Women in AI (Canada)

Je ne vous apprendrai rien de nouveau en vous disant que la présence des femmes dans la sphère de l’IA avance à pas de tortue. J’étais donc très heureuse de découvrir le groupe Women in AI (« femmes en IA ») de réflexion, initialement fondé en 2016 à Paris, avec un chapitre au Canada.

Leurs trois grands piliers : Inspirer, Éduquer, Connecter.

Discussions avec la merveilleuse et brillante Seynabou Gueye Ndiaye, ingénieure logicielle qui a étudié à l’Université Concordia et bénévole pour Montréal pour apprendre que ça demeure difficile. Et que la situation s’est détériorée depuis la venue du Président Trump et ses « groupies » d’oligarques à la Maison Blanche, ou trop près de lui à mon goût…. Elon Musk n’est pas loin dans mon esprit…

Pas surprise du tout, malheureusement… Comment s’y prendre pour que cette philosophie archaïque change? La question émerge.

Je prends un moment pour remercier mes parents qui m’ont inculqué, comme fondement éducationnel, qu’outre mes limites physiques, je n’avais aucune raison de ne pas choisir une carrière tout autant louable pour un homme que pour une femme… De la haute finance vers les technologies, je ne l’ai pas eu facile! Et ça continue, malgré ma crinière de cheveux gris…Mon père me disait : « tu es bénie avec une ‘bonne tête’, sers-t’en à bon escient, ma fille ».

Ciel que nous avons du travail à faire… L’IA peut aider ou nuire ; actuellement, la direction du vent est très difficile à percevoir, à mon avis. Soyons très attentifs, collectivement, et vigilants.

Le moment marquant de mon expérience au World Summit AI

À l’occasion du sommet se tenait le tournage d’un documentaire intitulé « The Scream Room » (La Salle des Cris). Ce projet vidéo signé Out There Productions invitait les participants à « crier » leurs frustrations face à l’état du monde. Le message d’appel à l’action était « Frustré·e par l’état du monde aujourd’hui ? Exprimez-vous. »

Je suis ravie d’avoir pris part à cette expérience interactive et d’avoir été en mesure d’y exprimer ma profonde peine, ma très grande frustration et ma colère à la suite du visionnement de divers clips retraçant les récents événements marquants, allant du renversement de Roe vs Wade aux États-Unis jusqu’aux propos complètement absurdes et effroyables qu’a tenus Trump devant le Président Volodymyr Zelensky, en février dernier à la Maison Blanche.

Entourée d’une équipe de tournage torontoise composée de trois hommes — tous d’un grand professionnalisme et d’une courtoisie remarquable — j’ai ressenti un véritable sentiment de sécurité psychologique, à la fois douce et tangible. Je suis repartie de là avec un espoir lucide et pragmatique.

Bien hâte de voir ce qui aura été retenu de ma contribution de trois minutes au projet.

Pour la suite

J’ai écrit ces lignes la veille des élections fédérales canadiennes du 28 avril, en entretenant un espoir prudent quant à leur issue. J’espérais qu’elles portent Mark Carney au pouvoir, ce qui s’est avéré. Ce n’est pas tant le parti que je soutiens, mais bien l’homme, dont je suis les travaux depuis son passage à la tête de la Banque du Canada en 2008. Au-delà de ses compétences économiques reconnues, Carney incarne à mes yeux une vision lucide et équilibrée de l’innovation technologique — structurée, inclusive et intelligemment encadrée.

Du côté des États-Unis, les échos récents de l’opinion publique montrent une certaine désillusion envers le retour de Donald Trump, 100 jours après sa réélection. Avec des élections de mi-mandat prévues pour l’automne 2026, peut-être que la route s’apaisera un peu pour le Canada.