La technologie utilisée dans la série québécoise « L’indétectable » est-elle fidèle à la réalité?

Par Chloé-Anne Touma, rédactrice en chef de LES CONNECTEURS | Publié le 14 avril 2025
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Offerte depuis le 20 mars sur TOUT.TV EXTRA, la fiction de six épisodes « L’indétectable » vise dans le mille. Explorant les conséquences de l’hypertrucage malveillant et impossible à distinguer de la réalité, son intrigue suit Stéphanie Parent-Sirois (interprétée par Sophie Nélisse), une jeune femme de 25 ans dont la vie bascule lorsqu’une vidéo compromettante et humiliante de sa mère, Françoise Parent (jouée par Lynda Johnson), devient virale. Cette vidéo détruit la carrière politique de Françoise et ébranle leur clan familial influent. À quel point l’évolution et les moyens technologiques exposés dans l’émission reflètent-ils la réalité?
Le deepfake « indétectable » : déjà possible?
Dans la série, bien que les experts certifient l’authenticité de la vidéo, Stéphanie est convaincue qu’il s’agit d’un deepfake indétectable. Pour découvrir la vérité, elle infiltre Efek, une start-up spécialisée en intelligence artificielle, pour y mener sa propre enquête. Elle y découvre alors la technologie la plus sophistiquée en matière de création de vidéos artificielles, combinant studio de pointe et modèles algorithmiques inégalés.
Mais réaliser un deepfake absolument indétectable est-il vraiment possible, dans la vraie vie? En 2025, il existe des deepfakes de qualité exceptionnelle, qui peuvent aller jusqu’à tromper les experts en analyse vidéo au premier abord. Les progrès récents en matière d’IA ont certes permis de relever des défis techniques majeurs, comme la fidélité des éclairages et du mouvement naturel des cheveux, autrefois des indices révélateurs. Toutefois, leur artificialité finit par être trahie au bout d’investigations poussées.
Quelques exemples concrets
Parmi les exemples concrets qui témoignent d’une évolution vers l’hypertrucage quasi parfait, on compte le phénomène Tom Cruise hyperréaliste : un compte TikTok (@deeptomcruise) qui diffuse des vidéos du célèbre acteur dans divers contextes parodiques. Les détails capillaires et les ombres sont si précis que des millions d’abonnés croient à leur authenticité.
@deeptomcruiseI’m taking lessons.♬ original sound – Metaphysic.ai
Dans un cas de fraude à l’embauche, un pirate nord-coréen a infiltré une entreprise de cybersécurité en utilisant une identité deepfake lors d’entretiens vidéo. Les recruteurs n’ont détecté aucune anomalie visuelle ou comportementale.
Une vidéo truquée de la ministre indienne des Finances, Nirmala Sitharaman, promouvant un investissement fictif a circulé en mars 2025. Malgré des lèvres désynchronisées, l’éclairage et les textures de peau étaient si convaincants que certains médias l’ont relayée avant vérification.
Les technologies qui pourraient avoir inspiré l’idée du sas de captation 3D

Dans « L’indétectable », le sas dans lequel Manuel Hertier (de chez Efek) fait entrer Stéphanie est la technologie qui permet de réaliser une capture 360 de l’individu à usurper, en mémorisant toutes ses coutures sous tous les angles, et ses mouvements en 3D. Cette salle évoque des technologies bien réelles, combinant plusieurs approches avancées de numérisation et d’analyse du mouvement. Voici les systèmes existants qui pourraient avoir inspiré ce dispositif.
Au Québec, les studio immersifs de captation volumétrique, comme le GXR LAB à Montréal, ou encore le COlab d’Alma, pourraient bien avoir inspiré le design du studio d’Efek, bien qu’ils ne soient pas du tout destinés à réaliser des deepfakes. Permettant de capturer des images en mouvement et de les reproduire en 3D avec un degré de réalisme non négligeable, et muni de 75 caméras 4K ainsi que d’un système d’éclairage complexe, le COlab d’Alma a notamment permis de créer l’hologramme (avatar 3D) de l’innovateur en chef du Québec, Luc Sirois.
Pensons sinon aux capteurs inertiels (IMU) et systèmes portables, comme mySmartMove ou QSense Motion, qui utilisent des centrales inertielles pour reconstruire les mouvements en temps réel avec une précision sub-millimétrique. Ils fonctionnent sans caméras, via des micro-capteurs fixés sur le corps, même à travers les vêtements.