Algorithmes « déconnectés »
Dans un monde désormais façonné par des algorithmes, il est facile de croire que nos réseaux nous rapprochent et nous font avancer dans un sens commun. Mais si nos chambres d’écho, alimentées par ces mêmes systèmes, ne faisaient que renforcer nos propres perspectives parfois erronées, mais qui rassurent? Ce confort numérique peut nous donner l’impression de comprendre la société, alors qu’en réalité, nous ignorons souvent ce qui se passe de l’autre côté. Les algorithmes, en triant ce que nous voyons et ce que nous ne voyons pas, déconnectent parfois plus qu’ils ne relient. Faut voir le monde dans son entièreté pour mieux le comprendre, y vivre… non?
Pour cette première chronique, je veux réfléchir avec vous à ces dynamiques invisibles qui influencent nos interactions, nos visions et nos choix. L’objectif? Aller plus loin, questionner nos habitudes numériques, et imaginer des solutions qui mettent l’équité, la diversité et l’inclusion au centre de cette révolution technologique.
« Comment pouvons-nous bâtir une société inclusive si les outils que nous utilisons pour dialoguer semblent eux-mêmes biaisés? »
Les bulles algorithmiques : des murs invisibles
Les réseaux sociaux, moteurs de cette grande machine numérique, sont censés rassembler, c’est l’objectif vendu. Mais je ressens, constate et entends aussi l’inverse : ils isolent. Leurs algorithmes construisent des bulles, où nos opinions sont renforcées et les perspectives différentes grandissent en parallèle. Résultat? Une société fragmentée, où la nuance est étouffée par le bruit des extrêmes.
Comment pouvons-nous bâtir une société inclusive si les outils que nous utilisons pour dialoguer semblent eux-mêmes biaisés? Si les algorithmes amplifient les voix qui divisent et invisibilisent celles qui construisent? Derrière chaque clic, chaque partage, se cache une décision programmée, mais aussi une question : et si nous exigions mieux et plus de ces outils?
Inclusion et éthique : des piliers inséparables
L’inclusion, ce n’est pas un mot qu’on glisse dans une présentation pour faire bonne figure. C’est une pratique, une volonté de donner une place équitable à la diversité, à nous « toustes ». Et dans le numérique, cette pratique est encore trop souvent absente. Les algorithmes, tout comme les politiques qui les entourent, doivent être conçus avec l’humain(e). ni à gauche, ni à droite, mais au centre.
Mais cela demande du courage, de reconnaître les biais systémiques, les affronter, et travailler à créer des technologies qui valorisent la diversité au lieu de la craindre et de l’invisibiliser. C’est un appel à l’action, non seulement pour les décideur(euse)s, mais pour chacun(e) de nous. La réflexion sur les dimensions éthiques de la technologie n’est pas un ennemi à l’innovation ; c’est son moteur. Une propulsion pour un changement plus inclusif et durable.
Imaginez des plateformes où la diversité n’est pas un problème à gérer, mais une richesse à amplifier. Où les jeunes, les communautés marginalisées, et toutes celles et ceux qui se sentent invisibles trouvent enfin leur voix parmi celles des autres, en sécurité. Ce n’est pas une utopie, c’est une responsabilité qu’on doit prioriser.
« (…) ces ponts, nous devons les bâtir ensemble, en exigeant plus de celles et ceux qui conçoivent les technologies qui façonnent nos vies. »
Les voix qui comptent
Je crois profondément que ce sont les voix nuancées qui transforment le monde. Celles qui osent écouter, dialoguer et poser les vraies questions. Dans cet univers numérique souvent synonyme de monologue, ces voix doivent être amplifiées, pas étouffées. Chaque interaction en ligne peut devenir une opportunité de rassembler plutôt que de diviser, pour bâtir un vrai dialogue collectif.
J’ai appris que les murs invisibles, qu’ils soient physiques ou numériques, se déconstruisent avec des ponts. Des ponts d’écoute, de bienveillance et de respect. Et ces ponts, nous devons les bâtir ensemble, en exigeant de celles et ceux qui conçoivent les technologies qui façonnent nos vies de nous offrir des espaces où la nuance domine.
Reprendre le contrôle
Alors, que voulons-nous? Une société où les algorithmes dictent nos choix, divisent? Ou un vrai monde, où nous reprenons le contrôle pour aligner ces outils avec nos valeurs communes?
Je propose qu’on commence par poser les bonnes questions. Que chaque clic devienne une action consciente, empathique. Que nous exigions des technologies qui nous ressemblent : inclusives, ouvertes et profondément humaines. Parce qu’au fond, ce ne sont pas les algorithmes qui définissent qui nous sommes. C’est nous qui devons leur montrer ce que signifie vraiment d’être connecté(e) à soi-même et aux autres.
Mais sommes-nous réellement outillé(e)s pour ce changement, cette ouverture confrontante?
Par Rafaël Provost, chroniqueur pour LES CONNECTEURS et directeur général d’Ensemble pour le respect de la diversité | Publié le 27 janvier 2025